lundi 15 mars 2010

En attendant l’arrêt Adwords II : Les décisions rendues dans l’affaire "Louis Vuitton Malletier c/ Google"

En partenariat avec le site "pmdm.fr", voici un petit rappel des différentes décisions françaises rendues dans l'affaire "Louis Vuitton Malletier c/ Google" en attendant que la CJCE se prononce le 23 mars prochain.

• Les faits

L’affaire « Vuitton » débuta en août 2003 lorsque la société Louis Vuitton Malletier assigna les sociétés Google, Inc. et Google France devant le TGI de Paris principalement pour contrefaçon de marque, concurrence déloyale et publicité déloyale. Les faits étaient alors relativement inédits. Suivant une division désormais classique, la société demanderesse avait constaté que le moteur de recherche (i) suggérait, d’une part, aux annonceurs de son programme « Adwords » la sélection de mots-clés tels que « Louis Vuitton replicas », « Louis Vuitton copies » ou encore « Imitation Louis Vuitton » permettant d’afficher leur message publicitaire et (ii) d’autre part, avait effectivement permis à des annonceurs d’afficher des liens commerciaux pointant vers sites proposant des produits contrefaisants à partir de la saisie des marques « Louis Vuitton » et « LV » dont est titulaire la demanderesse.

• La décision de première instance : TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 4 février 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google, Comm. com. électr. 2005, comm. 117, P. Stoffel-Munck; Recueil Dalloz, 2005, n°15, p. 1037, note C. Hugon; Prop. Ind., n°10, Oct. 2005, Etude 21, E. Tardieu-Guigues; RLDI 2005/3, n°88, p.22, RTD com., 2005/21, p. 228, note H. Alterman

Sur la contrefaçon
En premier lieu, le TGI de Paris souligna qu’aucun contrôle n’était effectué par Google sur les droits dont dispose éventuellement un annonceur sur une marque reproduite à titre de mot-clé et que, bien pire, l’association des marques de la demanderesse avec des termes tels que « copie », « imitation » ou « répliques » est le fait de Google lui conférant un « rôle actif par la portée, le sens même, des mots qu’elle […] suggère ». En second lieu, les juges considérèrent que cette suggestion est le signe que Google fournit une aide à des annonceurs proposant des imitations des produits de la demanderesse pour attirer des internautes en plaçant leur publicité à la même hauteur que le site officiel de Louis Vuitton Malletier induisant nécessairement une confusion. Dès lors, le TGI de Paris condamne Google pour contrefaçon par imitation au sens de l’article L. 713-3 CPI.
Le TGI de Paris écarte enfin l’argument selon lequel Google serait un simple intermédiaire technique au sens de la Directive commerce électronique (n°2000/31/CE) dans la mesure où Google assit sa rémunération sur l’exploitation des mots clés contrefaisants.

Sur les autres demandes
Le TGI de Paris condamna également la société défenderesse sur le fondement de la concurrence déloyale puisque les liens commerciaux affichés par les mots-clés redirigeaient précisément vers des sites proposant des imitations ainsi que pour atteinte à la dénomination sociale et au nom de domaine de Louis Vuitton Malletier. Enfin, le TGI condamne également Google pour publicité trompeuse sur le fondement des articles L.115-33 et L.121-1 C. Cons. en considérant que la mention « liens commerciaux » est trompeuse en elle-même car laissant supposer l’existence de rapports commerciaux entre les annonceurs et le titulaire de la marque et ajouté que Google agit en tant que titulaire d’un support publicitaire affichant directement les messages des annonceures en se rémunérant sur le prix que ceux-ci sont prêts à verser.

• La décision d’appel : CA Paris, 4e ch., sect. A, 28 juin 2006, SARL Google, Sté Google Inc c/ SA Louis Vuitton Malletier, RLDI 2006/18, n°529, p.25, obs. L. Costes; Expertises août-septembre 2006, n°306, p. 299; Gaz. Pal., 6-10 mai 2007, p. 32, note M. Mansouri; Gaz. Pal., 19 octobre 2006, p.29, note V. Brunot; E. Tardieu-Guigues, "Une interprétation extensive des articles L.713-2 et L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle dans le cadre de la vie des affaires", RLDI 2006/19, n°559, p.13

Sur la contrefaçon
En premier lieu, les juges soulignent que la contrefaçon ne vise pas seulement la mention de la marque sur un produit ou service mais peut résulter « d’une reproduction ou de l’imitation de la marque de quelque manière que ce soit » et notamment peut être interdit, en vertu de l’article 5-3 de la directive, « d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité ». Or, l’outil de suggestion de mots-clés fait usage, reproduit et imite les marques de la société demanderesse et ce, « en relation directe avec les produits visés par les marques » qui, au demeurant, jouissent d’une renommée. Dès lors, cet usage est fautif en ce qu’il entraîne à la fois un risque de confusion chez le consommateur moyen et une atteinte à la renommée des marques constituée par le profit injustifié tiré par Google. Enfin, Google ne peut s’exonérer de sa responsabilité dans la mesure où cet usage s’inscrit dans le cadre d’une participation active de Google à la contrefaçon qui, du reste, n’a pas mis en œuvre les moyens techniques pertinents pour éviter ces dérives et empêcher l’affichage d’annonces suite à la saisie des marques protégées.

Sur les autres demandes
La cour d’appel rejeta également l’application du statut de responsabilité aménagée des prestataires de stockage prévu notamment à l’article 6 al. 2 de la loi du 21 juin 2004 (LCEN) au motif que « [Google] ne se borne[…] pas à stocker des informations de nature publicitaires qui lui seraient fournies par des annonceurs, mais […] déploi[…]e une activité de régie publicitaire ». Les juges d’appel confirmèrent également la concurrence déloyale notamment en raison du fait que Google tira profit du préjudice de la société intimée bien que ne commercialisant pas de sacs ou de produits de maroquinerie. Enfin, la cour d’appel reconnut également l’existence de faits de publicité trompeuse.


• Les questions préjudicielles : Cass. com., 20 mai 2008, Stés Google France et Google, Inc. c/ Sté Louis Vuitton Malletier, n°06-20,230, FS-D, RLDI 2008/39, n°1292, obs. L. Costes; Contrats, conc., consom., n°7, juillet 2008, comm. 187, M. Malaurie-Vignal; RLDI 40/2008, n°1318, p. 6, E. Tardieu-Guigues ; Legiprésse n°263, juillet-août 2009, p. 87, note B. Pautrot.

Saisie d’un recours, la Cour de cassation adressa à la CJCE les questions suivantes relatives à la protection des marques :

« 1°) Les articles 5, paragraphe 1, sous a) et b) de la première Directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques et 9, paragraphe 1, sous a) et b) du Règlement (CE) n°40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire doivent-ils être interprétés en ce sens que le prestataire de service de référencement payant qui met à la disposition des annonceurs des mots-clefs reproduisant ou imitant des marques déposées, et organise parle contrat de référencement la création et l’affichage privilégié, à partir de ces mots clefs, de liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits contrefaisants, fait un usage de ces marques que son titulaire est habilité à interdire ?

2°) Dans l’hypothèse où les marques sont des marques renommées, le titulaire pourrait-il s’opposer à un tel usage, sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, de la directive, et de l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement ?

Cette dernière question relative à la protection de la marque renommée fut seulement posée dans cette affaire « Vuitton ».



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