mardi 15 juin 2010

L’affaire « Everest Poker » : contrefaçon de marque, poker en ligne et gros sous…

L’affaire « Everest Poker » est un contentieux qui a débuté au mois d’avril dernier opposant le site de poker en ligne « Everest Poker » maintenu par la société Ultra Internet Media S.A., et la société Harrah’s Entertainment Inc. organisant les World Series of Poker. En effet, Ultra Internet Media a engagé une action en responsabilité contractuelle à l’encontre de la société Harrah’s Entertainment devant la cour de district du Nevada. Le cœur du contentieux consiste en un accord de partenariat entre les deux sociétés prévoyant que le site Everest Poker serait le sponsor officiel des World Series of Poker 2008 et 2009. Selon les dires d’Ultra Internet Media, l’accord aurait prévu le paiement de pas moins de 22,5 millions de dollars sur lesquels cette société aurait déjà payé 6,2 millions de dollars au titre de l’édition 2008 des World Series of Poker et 7,9 millions au titre de l’édition 2009. En fait, Ultra Internet Media refuse de payer les 8,4 millions restants qui auraient été prévu pour cette année, sans doute estimant que les retombées des campagnes publicitaires lors des deux éditions précédentes n’étaient pas suffisantes eu égard au prix déboursé. En dépit de ce refus de paiement, Ultra Internet Media a décidé d’engager l’action en responsabilité contractuelle en raison de la rediffusion en France des World Series of Poker sur la chaîne RTL9 qui eu pour particularité d’afficher le logo du principal concurrent de cette société, Full Tilt Poker, à la place du logo du site Everest Poker. De son côté, la société Harrah’s Entertainment déclare que le contrat de sponsoring ne couvrait que le territoire des Etats-Unis et a présenté une demande reconventionnelle pour rupture abusive du contrat.
Ce contentieux engagé en avril aurait pu en rester à ces demandes. Seulement, Ultra Internet Media vient d’engager une action en contrefaçon de marque à l’encontre de Harrah’s Entertainment qui utilise le logo du site Everest Poker dans le cadre de l’organisation des World Series of Poker 2010. Le logo aurait ainsi été utilisé sur certaines tables de poker mais aussi sur des affiches et bannières. Dans sa plainte, Ultra Internet Media se plaint en fait de deux choses. Premièrement, cette utilisation de son logo sans son accord nuirait à son contrôle sur l’image de sa marque et sur sa renommée. Deuxièmement, cet usage sans autorisation aurait pour objectif non avoué de forcer Ultra Internet Media à payer les montants encore dus au titre du contrat de sponsoring. Pour le moment, Harrah’s Poker n’a pas commenté cette nouvelle action. Toutefois, Harrah’s avait déjà indiqué, en ce qui concerne l’action en responsabilité contractuelle, que Ultra Internet a « bénéficié d’une exposition de son site everestpoker.net [sans précédent] qu’elle n’aurait jamais pu espérer, et même plus ». Cette remarque semble parfaitement convenir à cette nouvelle action. En effet, de deux choses l’une : soit Ultra Internet Media est vraiment pointilleuse et imagine que laissez-faire pourrait lui porter préjudice dans le premier contentieux soit Ultra Internet crache dans la soupe car cette nouvelle exposition pourrait être plus que entable si elle gagne le premier contentieux (ce qui reviendrait à de la publicité gratuite)… Sans mauvais jeu de mot, cette seconde hypothèse serait un véritable coup de poker qu’Ultra Internet Media devrait tenter. Affaire à suivre !


lundi 7 juin 2010

EA Sports Active 2.0, un jeu contrefaisant ?

Le géant des jeux vidéo, EA Sports, était sur le point de lancer « EA Sports Active 2.0 » compatible avec les consoles Wii et Playstation 3 ainsi qu’avec l’IPhone, nouvelle version de ce jeu interactif organisant un véritable programme de fitness pour ses utilisateurs. C’était sans compter sur cette plainte déposée la semaine dernière par la société « The Active Network » exploitant le nom de domaine « active.com » redirigeant vers son site de partage d’informations sur différents sports, loisirs et évènements. Au cœur de cette plainte se trouve le signe distinctif « ACTIVE », lequel aurait été enregistré en 2008 et utilisé depuis 1999 par la société demanderesse en relation avec « la fourniture d’informations relatives à la programmation de sports participatifs, d’activités de loisirs et d’évènements sportifs ; [la fourniture] de services d’entraînements sportifs tels que la fourniture et la programmation d’entraînements personnalisés ». En fait, The Active Network souligne de manière très intéressante toutes les similitudes existantes entre ses services fournis par le biais de son site internet et le jeu créé par EA Sports tels que la création en ligne de programme d’entraînement de fitness, l’organisation de chats pour échanger les points de vue sur ces activités et le suivi en ligne des activités, des calories, des battements du cœur, du poids et de bien d’autres données relatives à l’utilisateur.
Bien évidemment, cette plainte peut être critiquée en ce que EA Sports a déjà lancé et commercialisé une première version de son jeu en usant du signe distinctif « ACTIVE ». Toutefois, la société demanderesse a prévu ce contre-argument et souligne que les anciennes versions du jeu de fitness ne fournissaient pas de contenu en réseaux à l’inverse de la présente version 2.0. Dès lors, le risque de confusion avec son site internet était bien moins certain. Pour le moment, les responsables d’EA Sports n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet. A noter que The Active Network demande aux juges d’empêcher la sortie de cette nouvelle version du jeu de fitness ainsi que l’interdiction de commercialiser tout jeu utilisant la marque « ACTIVE » et s’appuyant sur des activités en réseaux. En outre, la société demanderesse exige 75.000 dollars de dommages et intérêts (punitifs) ainsi que la participation aux frais d’avocats. La bataille est lancée avec à la clé – pour EA Sports – le lancement de la nouvelle version d’un jeu très attendu !


lundi 31 mai 2010

Cybergriping : Le maire de Bordentown exige la fermeture du site

Voici une nouvelle illustration intéressante du phénomène assez controversé appelé « cybergriping » consistant à enregistrer et utiliser un nom de domaine reproduisant en tout ou partie le nom d'une marque ou d'une personne célèbre en l'associant à un terme péjoratif. Il s’agit, en l’espèce, d’un site accessible à l’adresse « BordentownMayorReallySucks.com » contenant un certain nombre de critiques vis-à-vis de la politique menée par les représentants de la ville de Bordentown dans le New Jersey et en particulier son maire, James E. Lynch, Jr.. C’est ce dernier qui a réussi à faire passer une résolution au conseil municipal destinée à faire fermer le site. Les fondements juridiques sur lesquels repose la résolution seraient notamment la violation d’une loi protectrice des consommateurs, le maire de Bordentown s’inquiétant que le public d’attention moyenne soit amené à croire que ce site est le site officiel de la ville ou du moins sponsorisé par celle-ci. Un argument frisant l’absurdité dans la mesure où le nom de domaine « BordentownMayorReallySucks.com » annonce d’emblée la couleur ! Toutefois, il convient de noter qu’à l’origine, le site était accessible à l’adresse “bordentownmayor.com”, ce qui pouvait plus raisonnablement susciter la confusion des électeurs.
Au-delà du risque de confusion, James E. Lynch, Jr., s’estime également victime de diffamation et d’injure au regard du contenu du site. Il aurait en effet déclaré : « Ce site doit être fermé. Je ne vais pas m’engager sur la pente de la liberté d’expression. Mais certains propos en ligne sont dommageables. Vous voulez publier des informations en ligne ? Très bien. Dire haut et fort que vous ne m’aimez pas? Très bien. Mais des attaques à l’encontre de ma femme et de ma fille? Je ne laisserai pas faire ». Le seul problème est que ces soi-disant propos ne sont plus en ligne depuis un moment et le site décrié est, semble-t-il, consacré aujourd’hui à la seule critique de la politique menée par le maire. Quoi qu’il en soit, la résolution municipale a principalement pour objet de demander à l’hébergeur d’empêcher l’accès au site et de divulguer les données personnelles relatives aux créateurs du site critique. Cette demande à, toutefois, peu de chance d’aboutir en l’absence d’une procédure judiciaire adéquate.
En définitive, cette croisade orchestrée par le maire de la ville de Bordentown risque bien de se retourner contre son instigateur dans la mesure où les électeurs voient généralement d’un mauvais œil toute tentative de restriction de la liberté d’expression, qu’elle soit légitime ou non. En tout cas, d’ici que la justice se saisisse de l’affaire, le maire de la ville aura sans doute déjà terminé son mandat.


vendredi 28 mai 2010

Affaire « Crédit Mutuel » : un typosquatting flagrant

Le professeur Jérôme Huet, fondateur et directeur du Centre d’Etudes Juridiques et Economiques du Multimédia (CEJEM), vient de rendre une décision technique en tant qu’expert auprès de l’OMPI dans une affaire Confédération Nationale du Crédit Mutuel c/ Adrienne Bonnet, Litige n° DFR2010-0008 (WIPO May 10th, 2010). Il s’agissait en l’espèce d’une particulière dénommée Adrienne Bonnet qui avait enregistré le nom de domaine « reditmutuel.fr » le 1er décembre 2009 en fournissant une adresse postale incorrecte. N’ayant pas réussi à la joindre suite à diverses mises en demeure successives, le Crédit Mutuel engagea donc, devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, une Procédure Alternative de Règlement des Litiges (PARL) à laquelle est applicable le Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” entré en vigueur le 22 juillet 2008. A noter que la défenderesse ne se rendit pas devant l’expert et ne présenta donc malheureusement aucun argument en défense. Suivant l’article 20 (c) du Règlement précité, il convenait en l’espèce de vérifier que (i) le requérant justifie de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et (ii) que l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence.
Concernant la première condition, l’expert conclut naturellement à la justification de droits par le Requérant sur l’élément objet de l’atteinte puisque celui-ci est titulaire de la marque renommée « CREDIT MUTEL » et titulaire de divers noms de domaine dérivés de cette marque parmi lesquels « creditmutuel.fr ». Concernant la seconde condition, l’expert souligne que « La simple adjonction de l’extension nationale <.fr> est liée à des considérations techniques et n’a pas a être prise en considération lors de l’appréciation de l’identité ou de la similitude du nom de domaine avec la marque antérieure renommée CREDIT MUTUEL » (v. en ce sens, Baccarat S.A v. Jacques Touroute, Litige OMPI No. DFR2008-0001). En outre, la seule différence entre le nom de domaine litigieux et la marque protégées consistant en la suppression de la seule lettre « c », le risque de confusion demeure puisque cet enregistrement s’apparente à du typosquatting (v. Crédit Industriel et Commercial, Conféderation Nationale du Crédit Mutuel v. Owen WEBSTER, WIPO Case No. D2006-0165). La mauvaise foi, qui semble lourdement présumée dans cette décision, est également suffisamment démontrée par la fourniture de coordonnées erronées au sein du WHOIS par la défenderesse. Enfin, concernant l’utilisation du nom de domaine, l’expert s’appuie sur le fait que celui-ci redirige vers un site parking, c’est-à-dire une page sur laquelle ne se trouvent que des publicités. Cette utilisation a donc pour « objectif un gain construit sur la marque renommée d’autrui et représente indéniablement un acte de concurrence déloyale et de parasitisme au détriment du Requérant ». Cet élément vient donc confirmer l’existence d’un acte frauduleux (v. également en ce sens, Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige OMPI No. DFR2004-0005 ; Confederation Nationale du Crédit Mutuel contre Ambroise Breleur, Litige OMPI No. DFR2009-0001 ; Banque Laydernier et Crédit du Nord contre Jeremie Guyot, Litige OMPI No. DFR2008-0027). Dès lors, l’expert ordonne le transfert du nom de domaine « reditmutuel.fr » au Requérant.
En définitive, voici une affaire bien réglée qui témoigne une fois de plus de l’essor du typosquatting et des sites parkings qui y sont généralement associés. Un autre fait intéressant de cette affaire est le cas de plus en plus fréquent de la fourniture d’une fausse adresse au WHOIS. Néanmoins, n’aurait-il pas été possible au Requérant d’obtenir de telles informations auprès de la régie publicitaire par laquelle la défenderesse obtenait des rémunérations fondée sur son comportement frauduleux ? Cette piste est sans doute à explorer…


Confédération Nationale du Crédit Mutuel c/ Adrienne Bonnet, Litige n° DFR2010-0008 (WIPO May 10th, 2010)





mercredi 26 mai 2010

Affaire « Super-Crete » injonction contre le cybersquatter allégué en vertu de l’ACPA

Voici un premier succès de « Super-Krete International, Inc. » qui obtient d’un juge de la cour du District Central de Californie une injonction contre un concurrent qui aurait réalisé des actes de cybersquatting à son encontre (v. Super-Krete Int'l, Inc. v. Sadleir, 2010 U.S. Dist. LEXIS 50090 (C.D. Cal. 2010)). En l’espèce, le demandeur titulaire des marques fédérales « SUPER-CRETE », « SUPER-KRETE » et « SUPER-KRETE PRODUCTS » utilisées pour la vente de ses produits d’entretien et de restauration du béton se plaignait de l’enregistrement par son concurrent direct, « Concrete Solutions, Inc. », du nom de domaine « supercrete.com » pour la redirection vers son site officiel proposant également des produits relatifs à l’entretien du béton. A noter que l’enregistrement du nom de domaine litigieux remontait au 17 mars 1999… Près de 8 ans plus tard, en septembre 2007, le défendeur avait proposé au demandeur de lui revendre ce nom de domaine pour la somme de 15000$. Ce dernier avait refusé d’engager une telle somme et entama une procédure arbitrale devant l’OMPI qui se solda par un échec cuisant, le panel ayant notamment souligné le caractère peu distinctif de « SUPER-CRETE » (v. Super Krete International, Inc. v. Concrete Solutions, Inc., Case No. D2008-1333 (WIPO October 14, 2008)). Dès lors, le demandeur se tourna vers les juridictions judiciaires américaines pour demander en référé une injonction contre l’usage du nom de domaine litigieux sur le fondement de la contrefaçon de marque, de la dilution et du cybersquatting.
Confronté à cette action, la cour californienne rappelle que la délivrance d’une injonction nécessite (i) la preuve d’un succès probable au fond, (ii) que le demandeur soit susceptible de subir un préjudice irréparable en l’absence de l’injonction, (iii) que la mise en balance des intérêts en présence penche en sa faveur et (iv) que l’injonction soit dans l’intérêt du public (v. Winter v. Natural Resources Defense Council, Inc., U.S., 129 S.Ct. 365 (2008), spéc. p. 374). Seule la première condition nous intéressera puisqu’étant directement liée au droit des marques. Cette première condition était en effet analysée au regard des dispositions de l’Anticybersquatting Consumer Protection Act (ACPA) relatives à la sanction judiciaire du cybersquatting demandant, en plus de l’existence d’un droit de marque, la preuve d’enregistrement et d’un usage d’un nom de domaine entraînant un risque de confusion et la démonstration de la mauvaise foi du titulaire du nom de domaine cherchant à capitaliser sur la marque (v. 15 U.S.C. 1125(d)(1)(A)). La cour californienne remarque, en premier lieu, que « bien que le défendeur s’appuie sur l’argument général consistant à dire que la marque « SUPER-CRETE » est descriptive et non distinctive, l’enregistrement de la marque auprès de l’USPTO est suffisant pour établir la distinctivité et la validité de la marque ». Cette position, balayant au passage une bonne partie de l’analyse tenue par les arbitres de l’OMPI, est particulièrement clémente à l’égard du demandeur puisque l’enregistrement auprès de l’USPTO est généralement considéré comme une présomption simple de validité et non comme une véritable preuve. Ensuite, la cour conclut à l’existence d’un risque de confusion entre les deux signes puisque « la seule différence entre la marque enregistrée du demandeur « SUPER-CRETE » et le nom de domaine du défendeur « supercrete.com » est le retrait du tirait ». Or, une si faible différence n’est pas suffisante pour écarter le risque de confusion (v. en ce sens, Union Carbide Corp. v. Ever-Ready, Inc., 531 F.2d 366 (7th Cir. 1976), spéc. p. 382; Stix Products, Inc. v. United Merchants & Mfrs., Inc., 295 F.Supp. 479 (S.D.N.Y. 1968), spéc. p. 486). Enfin, concernant l’analyse de la mauvaise foi, le défendeur avait essayé de se prévaloir du « safe harbor » de l’ACPA en invoquant à la fois la décision de l’OMPI et le caractère descriptif de la marque sur lequel le défendeur pouvait s’appuyer pour prouver sa bonne foi. Mais la cour de district refuse d’une part, d’accorder une quelconque portée à la décision arbitrale et, d’autre part, apprécie de manière restrictive l’argument fondé sur le caractère descriptif de la marque (v. également en ce sens, Lahoti v. VeriCheck, Inc., 586 F.3d 1190 (9th Cir. 2009), spéc. p. 1203). En fait, la cour considère que l’usage du nom de domaine pour rediriger sur le site (et non pour décrire ses propres produits) ainsi que la proposition de revente du nom de domaine sont des éléments suffisants pour prouver, au moins partiellement, que le défendeur a agi de mauvaise foi.
En définitive, la cour du District Central de Californie accorde l’injonction après avoir examiné les autres conditions nécessaires (v. supra). Cette décision démontre une fois de plus la faible portée des décisions arbitrales de l’OMPI auprès des juges américains qui prennent généralement beaucoup de liberté vis-à-vis des arguments tirés de ces décisions. Quoi qu’il en soit, cette décision n’est qu’un référé et la décision au fond viendra ou non confirmer cette tendance.


lundi 24 mai 2010

Alabama, sheriff et cybersquatting

Tout le monde sait que le cybersquatting touche tous les secteurs d’activités et même parfois les entités publiques… Toutefois, il paraissait difficile de concevoir qu’un candidat pour le poste de sheriff soit un jour victime d’un cybersquatting orchestré par un concurrent ! Ed Teal, candidat républicain pour le poste de sheriff dans un comté de l’Alabama, vient de déposer une plainte contre un employé du bureau du sheriff actuel devant la cour du District Nord de l’Alabama. La plainte accuserait un employé de ce dernier d’avoir enregistré 19 noms de domaine tels que « voteedteal.com » ou encore « tealforsheriff.com » afin d’empêcher le candidat des les utiliser pour sa campagne… Interrogé sur la question Ed Teal aurait déclaré : « La plainte parle d’elle-même ; […] en tant qu’agent de l’exécutif pour le compté, le bureau du sheriff est censé appliquer la loi. Si le sheriff ne peut pas contrôler ses propres employés, comment peut-on lui faire confiance pour s’occuper des réels problèmes auxquels il doit faire face […] ? ». Il est vrai qu’une telle accusation serait vraiment un comble si les faits s’avéraient démontrés. En réponse, Scott Walls, actuellement sheriff en fonction, aurait déclare: « Bien que cette plainte de Mr Teal ait rien à voir avec le bureau du sheriff ou moi personnellement, il tente de lié ce problème à la campagne. De la même manière que j’ai refusé d’être impliqué dans les manœuvres de Mr Teal lors de la précédente élection, je continuerai d’ignorer ce type de tactique. Je maintiens mon engagement pour l’intégrité, l’honnêteté et le professionnalisme dans l’application de la loi […]. Je ne cautionne pas le comportement que Mr Teal allègue et je respecte son droit à voir sa plainte jugée devant une juridiction civile ». Dans sa plainte, Teal déplore que son préjudice ne pourra être entièrement compensé par des dommages et intérêts dans la mesure où il s’avère particulièrement difficile d’évaluer le préjudice porté à sa réputation et à son image de marque qu’il ne peut actuellement adéquatement défendre via une campagne sur le net. Quoi qu’il en soit, Teal exige le transfert de tous les noms de domaine enregistrés, le remboursement de ses frais d’avocats et également des dommages et intérêts punitifs. Welcome to the Wild Wild West…


mercredi 19 mai 2010

Liens commerciaux : un jury texan conclut à l’absence de contrefaçon

Le jury réuni par la cour d’appel du 5th Circuit vient de rendre son verdict dans une affaire « College Network, Inc. v. Moore Eductional Publishers, Inc. » consistant en substance à reconnaître l’existence d’un droit de marque dont est titulaire le demandeur mais à nier l’existence d’une contrefaçon de sa marque par la réservation de celle-ci à titre de mot-clé par le défendeur : « les éléments de preuve n’imposent pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion au regard du droit en vigueur dans le Cinquième circuit ». Cette conclusion est intéressante car la décision de la cour de district (1er degré) était arrivée à la même conclusion, c’est-à-dire l’absence de contrefaçon de marque, mais non pas en raison de l’absence de risque de confusion (likelihood of confusion) mais de l’absence d’usage à titre de marque (use in commerce) (v. College Network, Inc. v. Moore Educational Publishers, Inc., Case 1:07-cv-00615-LY (W.D. Tex. 2009)). Dans son opinion finale, le juge de la cour d’appel prend donc bien soin de dire qu’il n’a pas été nécessaire de statuer sur l’usage à titre de marque puisque cet usage n’entraînait pas un quelconque risque de confusion (solution parfaitement logique mais assez peu orthodoxe au regard de l’ordre traditionnellement respecté des différents conditions de la contrefaçon de marque).
Concernant plus spécifiquement le risque de confusion, le test actuellement en vigueur dans le Cinquième circuit est en premier lieu rappelé : (1) le type de marque, (2) la similarité de l’usage et de la marque, (3) la similarité des produits (proche du principe de spécialité), (4) le public visé et le circuit de distribution, (5) l’image publicitaire, (6) l’intention du défendeur, (7) la confusion effective et (8) le degré d’attention du consommateur moyen (v. Xtreme Lashes, LLC v. Xtended Beauty, Inc., 576 F.3d 221 (5th Cir. 2009), p. 227). Suite à ce rappel, la décision ajoute (et c’est le point le plus important) que « le risque de confusion nécessite une « probabilité de confusion » et non une simple possibilité » (insistant ainsi sur la 7e condition du test). Dans une note de bas de page, la cour indique que le jury a été mis en présence de preuves suffisantes pour conclure à l’absence de risque de confusion. Ainsi, les défendeurs auraient permis aux membres du jury de se rendre compte de l’intégralité du procédé des liens commerciaux et de comparer les sites web du demandeur et des défendeurs. De plus, les experts embauchés par le demandeur n’auraient pas été en mesure de conclure à une confusion effective (actual confusion). En cela, il semble que la « probabilité de confusion » dont parle la cour et qui permet de démontrer le risque de confusion s’apparente à la preuve d’une « confusion effective » des consommateurs et non à une simple possibilité.
En définitive, ce jugement doit être pris pour ce qu’il est c’est-à-dire le verdict d’un jury non pas sur la condition technique de l’usage à titre de marque (qui peut être généralisé à la plupart des espèces) mais sur la condition bien subjective et spécifique dans chaque espèce du risque de confusion. Dès lors, cette décision est en fait bien moins exploitable que la décision du premier degré qui statuait sur l’usage à titre de marque… Seul chose intéressante à retenir, la cour d’appel du Cinquième circuit exige un haut degré de preuve s’agissant du risque de confusion en matière de contrefaçon de marque.


College Network, Inc. v. Moore Educational Publishers, Inc., 2010 WL 1923763 (5th Cir. May 12, 2010)




mardi 18 mai 2010

Intel n’abandonne jamais un litige fondé sur la contrefaçon de sa marque

Beaucoup avaient cru qu’Intel avait abandonné définitivement toute poursuite à l’encontre de l’éditeur d’une newsletter relative à l’actualité du Mexique qui utilisait le nom de domaine « latinintel.com ». La reproduction de la marque au sein du nom de domaine n’avait, en effet, absolument pas pour visée de faire référence à l’entreprise informatique mais constituait l’abréviation, somme toute assez courante, du mot « intelligence ». Quoi qu’il en soit, Intel avait abandonné sa plainte initiale, il y a un mois, ce qui pouvait faire croire à une prise de conscience tardive du géant de l’informatique du faible pouvoir de nuisance de cet internaute. Eh bien pas du tout… Cet abandon revenait en fait à reculer pour mieux sauter.
Intel vient de déposer une nouvelle plainte devant la cour du District Nord de Californie qui est, semble-t-il, beaucoup mieux argumentée que la première du moins quantitativement… Intel invoque pas moins de huit fondements à sa plainte parmi lesquels la contrefaçon de marque, la dilution, la concurrence déloyale ainsi que le cybersquatting. Si la contrefaçon de marque stricto sensu semble difficilement démontrable notamment en raison d’un risque de confusion (likelihood of confusion) bien difficile à prouver, la dilution est sans aucun doute le fondement le plus viable. La société informatique a en effet produit une étude qui démontrerait qu’aujourd’hui 86% du public visé penserait à cette société même lorsque le mot « intel » est associé avec n’importe quel autre mot, définition ou marque. Dès lors, l’association par le défendeur du mot « intel » avec le mot « latin » a pour conséquence de nuire à cette distinctivité et notoriété que la société informatique a produite au sein de son public. En réalité, il semble que la société informatique veuille à tout prix éviter que l’abréviation « intel » pour désigner le mot « intelligence » ne devienne trop courante.
Enfin, concernant les allégations de cybersquatting, la plainte semble vraiment très laconiquement motivée puisqu’Intel ne se contente que d’affirmer que « Le défendeur a enregistré et utilisé les […] noms de domaine [litigieux] avec l’intention frauduleuse de tirer profit de la marque INTEL. Une telle intention peut être démontrée notamment en raison du fait que le site du défendeur a affiché des usages non autorisés des marques et produits de Intel, dans un effort de capitalisation sur […] la confusion des consommateurs que cet usage entraîne ». Cette argumentation ne semble pas vraiment tenir la route. Toutefois, les tribunaux américains apprécient bien souvent la mauvaise foi du défendeur en matière de cybersquatting de manière très mécanique, ce qui laisse des chances à la société informatique de remporter ce litige également sur le terrain de l’Anticybersquatting Consumer Protection Act (ACPA).
En définitive, Intel est bien décidée à ne pas laisser quiconque nuire à la distinctivité de sa marque (initialement peu distinctive) acquise au prix d’un effort marketing très onéreux.


Intel Corp. v. Americas News Intel Publishing, Case No. CV 09-05085 CRB (N.D. Cal, May 3rd, 2010)




lundi 17 mai 2010

Facebook veut « facebook.me »

L’entreprise leader en matière de réseaux sociaux sur internet vient de déposer une plainte devant les instances arbitrales de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) pour récupérer le nom de domaine « facebook.me » enregistré par un individu résidant aux Emirats Arabes Unis. L’extension « .me » correspond en fait au ccTLD assigné au Monténégro depuis le 11 septembre 2007. Mais au-delà de son indication en termes de provenance le « .me » (ou « .moi » s’il est traduit littéralement de l’anglais au français) suscite l’intérêt des internautes et des webmasters dans la mesure où il donne une touche personnelle au nom de domaine. Un certain nombre de registrars ventent ainsi cette extension en soulignant l’intérêt particulier de celle-ci pour la redirection vers des pages personnelles ou bien des blogs.
Il est donc parfaitement logique que Facebook soit intéressé par le nom de domaine « facebook.me », le site de réseaux sociaux étant constitué essentiellement de pages personnelles égocentrées visant à donner le maximum de détails sur soi-même à sa communauté. L’originalité de cette affaire réside également dans le fait que le propriétaire actuel de « facebook.me » a décidé de rediriger les internautes saisissant ce nom de domaine vers le site officiel de Facebook… Difficile de comprendre les motivations de ce résident des Emirats Arabes Unis ! Peut-être est-ce par pur altruisme ? Ou bien est-ce pour montrer sa bonne foi jusqu’à ce qu’une décision définitive tranche le litige ? Quoi qu’il en soit, Facebook semble avoir toutes ses chances pour remporter la bataille arbitrale puisque (i) le nom de domaine est similaire à un point tel qu’il existe sans aucun doute un risque de confusion, (ii) le propriétaire actuel du nom de domaine litigieux ne semble pas avoir d’intérêt légitime sur ce nom puisqu’il l’utilise simplement pour rediriger les internautes vers Facebook et (iii) la mauvaise foi est en principe aisée à démontrer puisque, à tout le moins, le propriétaire du nom de domaine litigieux avait pertinemment conscience de l’existence de la marque « FACEBOOK ». Bien que les choses s’annoncent plutôt bien pour le leader des réseaux sociaux sur internet, il convient de garder en mémoire que la marque « FACEBOOK » a un côté assez peu distinctif (malgré sa renommée) puisque constituée de deux termes courant de la langue anglaise « FACE » et « BOOK ».


mardi 11 mai 2010

Affaire « Volvo » : une défaite UDRP peut être compensée par un succès judiciaire

Perdre une procédure UDRP équivaut à perdre une bataille. Remporter sur le plan judiciaire, c’est remporter la guerre. C’est la leçon qu’il faut retenir de l’affaire « Volvo » qui a donné lieu, le mois dernier, à un arrêt de la cour du District Est de Virginie (v. Volvo Trademark Holding AB v. Volvospares.com, 2010 U.S. Dist. LEXIS 40664 (E.D. Va. Apr. 1, 2010)). En l’espèce, Volvo reprochait à un individu dénommé Ken White d’avoir enregistré en 1997 le nom de domaine « volvospares.com » pour la vente de pièces détachées neuves et d’occasion de véhicules Volvo en parfaite (et d’ailleurs loyale) concurrence avec le constructeur automobile. Dès les premières mises en demeure de Volvo, Ken White avait posté une « mise en garde » sur son site internet avertissant que : « Volvospares.com n’est pas associé au groupe Volvo et ne revendique ni ne sous-entend être associé avec tout entreprise officielle affiliée avec cette société ». Jugeant cette mise en garde insuffisante, le constructeur automobile avait engagé une procédure UDRP à l’encontre de Ken White. Toutefois, Warwick A. Rothnie, panéliste auprès de l’OMPI, avait estimé que le revendeur avait un droit et un intérêt légitime quant au nom de domaine litigieux dans la mesure où « le site internet [associé au nom de domaine] ne suggère pas, par son apparence, une quelconque autorisation de la part du demandeur ou du groupe Volvo [et dès lors] […], il est très peu susceptible que [les consommateurs] soient trompés par ce site même en l’absence de la mise en garde » (v. Volvo Trademark Holding AB v. Volvospares, Keith White, Case No. D2008-1860 (WIPO Feb. 10, 2009)).
Toutefois, le constructeur automobile ne resta pas à cette déconvenue arbitrale et saisit la juridiction américaine compétente sur le fondement du cybersquatting, de la contrefaçon de marque et de l’atteinte à la marque renommée. Cette action étant intentée en vertu de l’Anti-cybersquatting Consumer Protection Act (ACPA) il était nécessaire pour Volvo de démontrer que (i) Ken White avait agi en toute mauvaise foi et que (2) le nom de domaine était similaire à tel point qu’il existe un risque de confusion ou de dilution. Concernant la première condition, la cour du District Est de Virginie centra son analyse sur les différents facteurs énoncés par la loi américaine (v. 15 U.S.C. §.1125(d)(1)(B)) et notamment l’intention de détourner la clientèle du titulaire de marque ainsi que la reproduction d’une marque jouissant d’une grande renommée ou étant particulièrement distinctive. A la lumière de ces quelques éclairages législatifs, la cour conclut que « White a agit de mauvaise foi avec l’intention de profiter de l’usage de la marque VOLVO dans le nom de domaine « volvospares.com ». White avait l’intention de détourner les ventes revenant à des distributeurs autorisés, [de plus] la marque VOLVO a été enregistrée bien avant que White commence à utiliser « volvospares.com » et White aurait du savoir qu’il contrefaisait [la marque] au regard de la distinctivité [importante] de la marque VOLVO ». Concernant la seconde condition consistant en une comparaison de la marque et du nom de domaine litigieux, la cour considère que le terme « Volvo » étant la partie principale du nom de domaine « volvospares.com », le nom de domaine est alors similaire à la marque VOLVO à un point tel qu’il existe un risque de confusion (v. Lone Star Steakhouse & Saloon, Inc. v. Alpha of Virginia, Inc., 43 F.3d 922 (4th Cir. 1995), p. 936). De surcroît, la cour souligne que la « mise en garde » de Ken White n’est pas suffisante en elle-même à dissiper toute confusion (v. Green Prods. Co. v. Independence Corn By-Prods. Co., 992 F. Supp. 1070 (N.D. Iowa 1997), p. 1078). Enfin, la cour considère que la décision UDRP rendue précédemment dans cette même affaire – et invoquée par le défendeur – n’est pas pertinente dans la mesure où une décision UDRP n’a pas pour effet de priver le titulaire d’une marque d’un recours en justice (v. Eurotech, Inc. v. Cosmos European Travels Aktiengesellschaft, 213 F. Supp. 2d 612 (E.D. Va. 2002), p. 618, n.10). Suite à cette analyse, la cour conclut donc logiquement au transfert de la propriété du nom de domaine au constructeur automobile.
En définitive, cette décision démontre une fois de plus que les standards appliqués par l’OMPI dans le cadre de la procédure UDRP sont bien différents de ceux suivis par les juridictions américaines. C’est notamment le cas de la mauvaise foi ainsi que du risque de confusion qui sont appréciés de manière beaucoup plus mécanique par les juges américains que par les arbitres. Il serait peut-être temps de suggérer un effort d’harmonisation entre les exigences de la procédure UDRP et le droit interne des pays occidentaux en matière de cybersquatting. En tout cas, il n’est pas interdit de l’imaginer…


lundi 10 mai 2010

Microsoft s’attaque à des créateurs d’émoticônes…

Décidément, Microsoft est, semble-t-il, attaché à son statut d’entreprise la plus sourcilleuse (certains diront même méchante) au regard de la protection de ses marques. Le géant du logiciel basé à Seattle vient d’engager des poursuites judiciaires devant une cour fédérale de l’Etat de Washington à l’encontre de deux sociétés californiennes, Digispace Solutions et yMultimedia, spécialisées dans la création d’émoticônes. Rappelons que les émoticônes sont ces petits éléments graphiques représentant un visage simplifié et permettant aux internautes de signaler leur réaction, émotion ou encore humeur notamment dans les chats. Le cœur de la plainte ne porte pas sur ces émoticônes à proprement parlé puisque, bien heureusement, Microsoft ne dispose d’aucun droit de marque sur ces petits pictogrammes utilisés quotidiennement à travers le monde. En fait, la société de logiciel reproche aux deux sociétés californiennes d’avoir utilisé, dans le cadre de la promotion de ces émoticônes, les noms de domaine et les marques liés au logiciel de messagerie instantanée MSN messenger. Plus précisément, Digispace Solutions et yMultimedia auraient utilisé les noms de domaine relatifs à MSN messenger et notamment « msnmessenger.com » dans le cadre du téléchargement de ces émoticônes ce qui, selon la plainte, est susceptible d’entraîner un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne qui pourrait être amené à croire que les produits de deux sociétés californiennes sont affiliés, sponsorisés ou encore approuvés par Microsoft. En outre, les émôticons auraient été présentées par les sociétés défenderesses comme des « produits bonus » de MSN messenger et les sites internet sur lesquels sont disponibles ces émoticônes proposeraient, de surcroît, de télécharger MSN messenger avec un lien pointant non pas vers les sites officiels de Microsoft mais vers des pages dédiées aux produits de ces entreprises.
En définitive, il est fort à parier que Microsoft réussisse à convaincre un juge de condamner ces deux sociétés qui ont, manifestement, dépassé les limites du raisonnable ! Toutefois, cette victoire judiciaire ne sera peut-être pas une victoire médiatique pour le géant de l’informatique. En effet, une fois de plus, Microsoft apparaît comme le Goliath et ces deux défendeurs comme les David de l’internet qui devront faire face à une batterie très bien rodée d’avocats. Tout ceci dans l’univers censé être plutôt ludique des émoticônes…


vendredi 7 mai 2010

Royaume-Uni : « @gmail.com » appartient enfin à Google

L’affaire aura duré environ cinq ans avant que Google et la société anglaise appelée « Independent International Investment Research » (IIR) trouvent enfin un accord au sujet de l’usage du nom de domaine « gmail.com ». En 2005, lorsque Google lança son service de messagerie électronique au Royaume-Uni, le moteur de recherche entra en conflit avec IIIR qui avait enregistré la marque « GMAIL » trois ans plus tôt et l’utilisait également pour des messageries électroniques. Bien décidés à négocier avec cette société anglaise pour récupérer l’usage du nom de domaine, les représentants de Google avaient finalement abandonné face aux demandes exorbitantes d’IIR qui proposait de revendre la marque à 50 millions de dollars. Depuis, les utilisateurs anglais des services de Google étaient contraints d’utiliser un adresse mail à rallonge qui finissait par « @googlemail.com » au lieu de « gmail.com ».
Les choses paraissaient définitivement inscrites dans le marbre et pourtant, Google a annoncé cette semaine qu’il proposerait à ses utilisateurs anglais de changer la fin de leurs adresses mail en « @gmail.com ». A cet égard, le moteur de recherche ne manque pas d’humour puisqu’il annonce sur le blog dédié à Gmail que « Puisque « gmail » a 50% moins de caractères que « googlemail », nous estimons que ce changement de nom économisera approximativement 60 millions de frappes sur les claviers par jour. Avec environ 217 microjoules par frappe, cela représente à peu près l’énergie de 20 bonbons économisée par jour ! ».
Les deux parties ont donc enfin trouvé un accord. Pour le moment, les termes et surtout le prix de l’accord ne sont pas officiellement rendus publics en dépit de rumeurs. De manière assez étrange, il semble que la conclusion de cet accord remonte au 23 juillet 2008 selon un article publié dans le Financial Times il y a presque un an. Selon un communiqué de presse d’IIR très peu relayé, publié en septembre 2008, cet accord aurait d’ailleurs coûté 226324 livres à Google. Interrogés sur ce mystérieux accord et surtout sur le fait que celui-ci remonte à plus de deux ans, les représentants de Google auraient confirmé l’information et également confié que la mise en place du « @gmail.com » pour les utilisateurs anglais est une opération technique très longue… Deux ans en matière de technologies est l’équivalent d’environ un siècle !
Quoi qu’il en soit, voilà une bonne nouvelle pour les habitants du Royaume-Uni. Il ne reste plus à Google qu’à trouver également un accord avec les titulaires de marques qui bloquent toujours l’accès au nom « GMAIL » en Allemagne, en Russie et en Pologne.


mercredi 5 mai 2010

Victoire de Google dans l’affaire « Rosetta Stone »

L’affaire "Rosetta Stone" est ce contentieux entre une société de logiciel et le moteur de recherche californien au sujet de la réservation par des tiers de mots-clés reproduisant les marques de Rosetta Stone pour déclencher des liens publicitaires. La plainte avait été déposée le 10 juillet 2009 devant la cour du District Est de Virginie et la première audience était prévue pour le 23 avril dernier.
Bien que la décision finale du juge Gerald Bruce Lee ne soit pas encore disponible, les représentants de Google ont informé la presse de la teneur de cette décision qui consisterait en un rejet de la plainte de Rosetta Stone. Ils auraient déclaré également que « Les utilisateurs du moteur de recherche tirent profit de la possibilité de choisir au sein d’une offre variée d’annonceurs et […] qu’aucune preuve ne démontre [en l’espèce] que l’usage légitime des marques à titre de mot-clé pour déclencher des liens commerciaux ou bien dans le corps même des annonces entraîne un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs ». De leur côté, les représentants de Rosetta Stone ont fait part de leur grande déception au sujet de cette décision. Tom Adams, le directeur de Rosetta Stone aurait déclaré « Nous sommes profondément déçus que Rosetta Stone n’ait pas obtenu la possibilité de dénoncer en audience public les pratiques de Google et les motivations qui ont poussé Google à adopter sa politique actuelle en matière de marques » et ajouté « Google a, en tant qu’entreprise, la responsabilité de protéger les consommateurs et de promouvoir la confiance dans ses résultats de recherche. Il n’y a aucun doute que Google sait qu’il existe des publicités pour des logiciels contrefaisants au sein de son programme Adwords et ne prend pas des mesures effectives pour stopper cette activité illicite ». Pour le moment, Rosetta Stone étudie la possibilité de faire appel et se prononcera incessamment sous peu.
Au final, il convient d’attendre que la décision soit disponible pour pouvoir analyser ce dernier succès de Google. Toutefois, il semble maintenant bien établi qu’une tendance s’est également enclenchée aux Etats-Unis en faveur des prestataires de référencement payant à l’instar de ce qui se passe en Europe depuis les arrêts de la CJUE rendus le 23 mars dernier.


lundi 3 mai 2010

Affaire New York Times : le « cybersquatter fou » a récidivé !

La présente affaire, soumise au National Arbitration Forum, opposait le New York Times à un particulier résidant en Russie et répondant aux noms Nadeem Qadir aka Bladimir Boyiko aka Cosmos1 qui enregistra, dans le début des années 2000, les noms de domaines « newyourktimes.com », « newyortimes.com », « neyyorktimes.com » et « newyoktimes.com » pour rediriger vers une pages contenant des publicités et des liens commerciaux pointant notamment vers des concurrents du New York Times… L’originalité de cette affaire consiste en ce que le défendeur – répondant à un nom à rallonge – n’en est pas à son premier coup d’essai ! Il aurait été cité dans 6 autres affaires de cybersquatting parmi lesquelles, Microsoft Corp. v. Nadeem Qadir a/k/a Bladimir Boyiko a/k/a Cosmos1, FA 1265720 (Nat. Arb. Forum July 14, 2009); Travelocity.com LP v. Boyiko, FA 1245545 (Nat. Arb. Forum Mar. 16, 2009); LEGO Juris A/S v. Bladimir Boyiko, D2009-0437 (WIPO May 20, 2009).
En l’espèce, le panéliste du National Arbitration Forum s’attacha à analyser de façon détaillée les trois conditions nécessaires pour que la procédure UDRP du demandeur soit couronnée de succès. Concernant la première condition consistant en un nom de domaine identique ou similaire à la marque à un point tel qu’il existe un risque de confusion, le panéliste conclut que l’omission, l’addition ou l’échange de lettres dans les noms de domaine litigieux n’est pas suffisant pour écarter la similarité de ces noms de domaine avec la marque protégée (v. Reuters Ltd. v. Global Net 2000, Inc., D2000-0441 (WIPO July 13, 2000) ; Pfizer Inc. v. BargainName.com, D2005-0299 (WIPO Apr. 28, 2005)). De surcroît, l’omission du mot « the » contenu dans la marque « THE NEW YORK TIMES » n’est pas non plus suffisante pour écarter la similarité (v. Mega Soc. v. LoSasso, FA 215404 (Nat. Arb. Forum Jan. 30, 2004)).
En ce qui concerne la seconde condition consistant à démontrer que le défendeur ne détient aucun droit ni intérêt légitime sur les noms de domaine, le panéliste conclut, conformément à l’argumentation du demandeur, que (i) le défendeur ne semble pas être connu sous les signes repris par les noms de domaines litigieux comme le démontre l’extrait du WHOIS (v. Tercent Inc. v. Lee Yi, FA 139720 (Nat. Arb. Forum Feb. 10, 2003)), (ii) le site vers lequel redirigent les noms de domaine n’est pas conforme à une offre légitime de produits ou de services (v. Skyhawke Techns., LLC v. Tidewinds Group, Inc., FA 949608 (Nat. Arb. Forum May 18, 2007)) et (iii) les noms de domaine litigieux correspondent en fait en une capitalisation sur les erreurs des internautes (typosquatting) excluant tout droit légitime sur ces noms (v. IndyMac Bank F.S.B. v. Ebeyer, FA 175292 (Nat. Arb. Forum Sept. 19, 2003)). Enfin, le panéliste remarque que le défendeur n’a pas fournit de réponse à ces arguments suffisamment convaincants du demandeur, ce qui permet de conclure à l’absence de droit et d’intérêt légitime du défendeur (v. Bank of Am. Corp. v. McCall, FA 135012 (Nat. Arb. Forum Dec. 31, 2002)).
Enfin, au regard de la troisième condition consistant à démontrer que l’usage et l’enregistrement des noms de domaine ont été effectués de mauvaise foi, le panéliste remarque en premier lieu que le passé de cybersquatter du défendeur est un élément jouant en sa défaveur concernant sa mauvaise foi (v. Nat’l Abortion Fed’n v. Dom 4 Sale, Inc., FA 170643 (Nat. Arb. Forum Sept. 9, 2003)). De plus, les noms de domaine ont pour effet de détourner la clientèle du titulaire de marque ce qui démontre également la mauvaise foi du défendeur (v. Red Hat, Inc. v. Haecke, FA 726010 (Nat. Arb. Forum July 24, 2006)). Enfin, le typosquatting qui a été prouvé au regard de la première condition est suffisant à lui seul pour démontrer la mauvaise foi du défendeur (v. Dermalogica, Inc. v. Domains to Develop, FA 175201 (Nat. Arb. Forum Sept. 22, 2003)).
Voici un succès tout à fait justifié du New York Times sur ce « cybersquatter fou » qui ne cesse d’accroître à lui seul la jurisprudence UDRP, qualité que ne sauraient, cependant, lui reprocher les juristes.


The New York Times Company v. Nadeem Qadir a/k/a Bladimir Boyiko a/k/a Cosmos1, FA1003001313509 (Nat. Arb. Forum April 28, 2010)




vendredi 30 avril 2010

Mise au jour d’une vague sans précédent de typosquatting sur le « .fr » !

L’INDOM a détecté une opération de typosquatting de grande ampleur qui concernerait pas moins de 738 noms de domaine en « .fr » typosquattant des noms de domaine détenus par des titulaires de marques renommées ou encore des administrations publiques. Ainsi, à titre d’illustration, ont été enregistrés les noms de domaine « leparisisen.fr », « confarama.fr », « facezbook.fr » ou encore « impotgov.fr ». Cette attaque a été réalisée en trois étapes : 187 noms de domaine frauduleux ont été enregistrés le 30 mars, puis 197 noms de domaine le 31 mars et enfin, et enfin, 354 noms de domaine le 11 avril. Ces noms de domaine ont été enregistrés au près d’un registrar situé aux Bahamas appelé « Internet. bs Corp. »… et tout ceci sous de fausses identités françaises. En tout ce ne sont pas moins de 11 fausses identités qui ont servies à la supercherie parmi lesquelles « Edmond Ockley », « Angelika Beaulieu », « Jennine Rochette » ou encore « Eliott Pigue » (c’est très bizarre, mais ces différents noms sonnent vraiment faux…). Ces personnes fictives auraient par ailleurs été associées à des communes françaises telles que Sarreguemines ou encore Taverny. Pierre Berecz, PDG de Indom, aurait déclaré que bien que le typosquatting soit une pratique frauduleuse bien connue, l’originalité de la présente attaque réside dans le fait que tous les secteurs sont touchés.
En définitive, l’INDOM qui est en premier lieu un registrar mais qui propose également des services de surveillance a réussi un beau coup de filet qui ne manquera pas de lui faire au passage un peu de publicité. Il semble que ce registrar utilise des robots spéciaux capables de détecter des enregistrements suspects. Quoi qu’il en soit, les titulaires des noms de domaine typosquattés ont, à présent, le loisir d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre de ces pirates qu’il conviendra, néanmoins, de démasquer… A noter qu’ils pourront également saisir le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP) conformément aux principes de la « Procédure Alternative de Résolution des Litiges du .fr et du .re » (PARL).


La liste des noms de domaine frauduleux






jeudi 29 avril 2010

Liens commerciaux : victoire légitime d’Amazon grâce une motivation bancale

La cour de District du Colorado vient de rendre sa décision dans une l’affaire « Video Professor, Inc. v. Amazon.com, Inc. » dans laquelle une société éditrice de logiciels pédagogiques pour l’apprentissage de l’informatique poursuivait le géant du commerce en ligne pour avoir réservé des mots-clés reproduisant sa marque afin de déclencher des liens commerciaux redirigeant vers une de ses pages. Bien que cette page contienne des offres légales de vente des produits du titulaire de marque, le problème était qu’Amazon proposait également sur cette même page des offres alternatives. Et c’est en cela que Video Professor s’est senti lésée.
Cette plainte était quelque peu mal partie dans le contexte actuel notamment depuis l’arrêt rendue par la cour d’appel du 2nd Circuit dans l’affaire « Tiffany (NJ), Inc. v. eBay, Inc. » (No. 08-3947-cv (2d Cir. April 1, 2010)) dans laquelle les juges ont considéré, concernant des faits similaire, que « eBay a fait un usage de la marque pour décrire de façon exacte les véritables produits Tiffany offerts à la vente sur son site. […] [En outre,] [i]mposer une responsabilité en raison du fait qu’eBay ne peut garantir la régularité de tous les produits Tiffany offerts sur son site aurait pour conséquence de restreindre de les ventes légales de produits Tiffany ». Dans la présente affaire Amazon, le site de commerce électronique proposait également de façon légale les produits du titulaire et il était, ainsi, également possible de conclure que l’usage des mots-clés s’apparentait à un « usage nominatif » (nominative use) excluant la contrefaçon de marque. Les faits de l’affaire Tiffany étaient, du reste, plus accablants que ceux de la présente affaire Amazon puisque des produits contrefaisants étaient proposés sur le site de vente aux enchères en ligne alors que dans la présente affaire, seule une offre alternative était proposée. Il aurait été alors assez aisé pour la cour du District du Colorado de conclure à l’absence pure et simple de contrefaçon sans passer par le détour contractuel qu’elle emprunte en l’espèce.
En effet, Amazon fonda l’essentiel de son argumentation sur une clause comprise dans son « Manuel du Vendeur » (Vendor Manual) à laquelle avait consenti antérieurement Video Professor lorsque cette société avait décidé de vendre certains de ses produits sur Amazon. Cette clause stipulait que Video Professor concède une licence permettant à Amazon « l’usage mondial, perpétuel et sans rétribution » de ses marques… Par ailleurs était également ajouté au contrat une clause supplémentaire stipulant que la clause de licence survivrait à résiliation en tout ou partie du contrat… Bien que Video Professor ne soit pas un consommateur et que le droit américain sacralise l’autonomie de la volonté des parties, une telle licence semble toutefois caricaturale (pour ne pas dire abusive). Pourtant, le juge Robert E. Blackburn s’en lave les mains en rappelant que, en vertu du droit de l’Etat de Washington applicable au contrat, le juge est tenu d’appliquer les stipulations claires et non ambigües (Black v. National Merit Ins. Co., 226 P.3d 175 (Wash. App. 2010)). Par ailleurs, le juge exclut également l’annulation du contrat en raison de la mauvaise foi de Amazon dans la mesure où Vendor Manual ne se serait vue imposer aucune des clauses prévues dans le Manuel du Vendeur. Enfin, et c’est là que la décision mériterait d’être le plus critiquée, le juge rejette catégoriquement l’argument fondé sur la « substantive unconscionability » (mécanisme permettant au juge de rééquilibrer des contrats défavorisant trop une des deux parties) dans la mesure où la clause en question ne serait pas choquante à un degré tel qu’il est préférable de la modifier. Si une licence perpétuelle, mondiale et sans rétribution et qui plus est entièrement vague sur le type d’utilisation et non résiliable n’est pas une clause choquante, on se demande ce qui pourrait l’être ?...
En définitive, ce jugement passe, nous semble-t-il, complètement à côté de son sujet dans la mesure où (i) d’une part, il aurait été préférable de suivre une jurisprudence maintenant bien établie refusant de reconnaitre la contrefaçon de marque dans de telles circonstances en se fondant sur l’exception (certes un peu fumeuse) d’« usage nominatif » et (ii) d’autre part, le contrat sur lequel se fonde la cour de district aurait peut-être du être au pire ignoré par le juge, au mieux annulé en ce qui concerne la clause de licence d’utilisation des marques. Il serait intéressant que cette affaire soit rejugée en appel, ne serait-ce que pour arriver au même résultat mais de manière plus rigoureuse. Toutefois, la rigueur juridique et la clarté jurisprudentielle ne doivent pas être le souci principal de Video Professor…


Video Professor, Inc. v. Amazon.com, Inc., 1:09-cv-00636-REB-KLM (D. Colo. April 21, 2010)




mercredi 28 avril 2010

Contrefaçon numérique : les héritiers de Michael Jackson ne perdent pas le nord !

Cela fait maintenant bientôt un an que le « dieu de la pop » est décédé et pourtant, il semble que ses héritiers aient bradé leur tenue de deuil contre celle, beaucoup plus plaisante, d’héritiers violés dans leur droit. Ils viennent, en effet, d’annoncer que juge fédéral Dolly M. Gee leur a accordé une injonction à l’encontre de Melissa Johnson domiciliée en Californie qui avait créé la fondation « Heal The World ». Dans le cadre de cette fondation, Melissa Johnson utilisait, en plus de ce titre bien connue de Michael Jackson, les noms et marques revenant de droits aux héritiers et tout ceci via plusieurs sites internet. Bien que Michael Jackson ait créé une fondation portant le même nom en 1992, cette dernière est demeurée inactive depuis plusieurs années.
Dans son opinion, le juge Gee aurait conclu que les sites internet en cause portent à confusion dans la mesure où un internaute moyen pourrait croire qu’ils seraient spécialement affiliés à la star de la pop ou plutôt à ses héritiers. En outre, Melissa Johnson est également reconnue coupable de cybersquatting dans la mesure où elle aurait tenté d’enregistrer les noms de domaine « mjaid.com » et « mjquotes.com » (les initiales « mj » étant également sources de confusion). Selon des sources non vérifiées, la défenderesse aurait d’ailleurs tenté d’enregistrer environ une quarantaine de noms de domaine dérivés des marques dont les héritiers de Michael Jackson sont titulaires… Si tel est le cas, les intentions de celles-ci sont, au final, plutôt claires ! Quoi qu’il en soit, cette action démontre que l’héritage de Michael Jackson est tombé entre de bonnes mains qui sauront en maximiser la valeur.

mardi 27 avril 2010

Nevada, Ultimate fighting et cybersquatting !

La société Zuffa, LLC, titulaire des marques « THE ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP » et « UFC » pour la désignation de produits liés à l’ultimate fighting vient d’engager une action réelle (in rem action) devant la cour de District du Nevada aux fins de récupérer le nom de domaine « theultimatefighter.com ». Le nom de domaine litigieux a été enregistré par un particulier, Anton Resnick, le 22 janvier 2004 pour rediriger vers une page Yahoo ! dédiée à plusieurs arts martiaux.
La plainte vise notamment la mauvaise foi de Resnick qui aurait enregistré le nom de domaine pour tirer profit de la marque détenue par Zuffa. Toutefois, ces allégations demeurent très générales et l’on sent à la lecture de l’argumentation que la société spécialisée dans l’ultimate fighting était à cours d’arguments. Zuffa se contente, en effet, que d’affirmer la mauvaise foi du prétendu cybersquatter sans pour autant, à notre sens, la prouver. Plus intéressant encore, le litige ne se fonde pas sur les deux marques précitées qui ne sont que similaires au nom de domaine mais à une troisième marque, « THE ULTIMATE FIGHTER », identique au nom de domaine, que Zuffa aurait acquise en 2003 par usage en relation avec un show de téléréalité. Or, l’enregistrement du nom de domaine ayant été réalisé début 2004, la plainte devrait en toute logique aboutir à une issue favorable pour le titulaire de cette marque. Oui mais le problème est que le show en question n’a été diffusé qu’à partir de 2005… Les juges devront donc déterminer exactement le moment auquel la marque a acquis une « signification secondaire » (secondary meaning) correspondant à l’obtention du droit sur la marque par Zuffa sous l’angle de la common law. En outre, Zuffa détient également un droit fédéral sur cette marque mais l’enregistrement de celle-ci (qui correspond à l’obtention de ce droit subjectif fédéral) date de juin 2004, ce qui est postérieur à l’enregistrement du nom de domaine ayant eu lieu en janvier.
En définitive, il était fort à parier qu’un tel nom de domaine susciterait des convoitises, l’ultimate fighting étant de plus en plus populaire aux Etats-Unis. Le nom de domaine « theultimatefighter.com » est ainsi, sans aucun doute, une vraie mine d’or en termes de trafic généré. Or, sans tomber dans le cliché, tout ce qui brille et appâte le client n’est-il pas la chose la plus importante dans le Nevada ?...


La plainte déposée par Zuffa, LLC (D. Nev. April 21, 2010)





lundi 26 avril 2010

Le droit des marques n’a pas l’exclusivité du contentieux des liens commerciaux

C’est l’enseignement à tirer de la plainte déposée par Beverly Stayart, une activiste pour la défense des droits des animaux connue aux Etats-Unis, devant la cour du District Est de l’Etat du Wisconsin mardi dernier. En l’espèce, la demanderesse se plaint du fonctionnement de l’outil de suggestion de mots-clés accompagnant le programme Adwords de Google qui proposerait l’association de son diminutif « Bev Stayart » avec le mot « Levitra » qui n’est autre que le nom d’un médicament destiné à traiter les problèmes d’érection à l’instar du Viagra… On comprend que l’association n’est pas vraiment flatteuse même si la demanderesse ne pouvait en aucun cas se sentir visée puisqu’appartenant à la gente féminine.
La plainte se fonde essentiellement sur l’« appropriation frauduleuse du nom » de la demanderesse (name misappropriation) ayant entraîné une violation de son « droit de publicité » (right of publicity) au sens de l’article 995.50(2)(b) de la loi du Wisconsin. A noter que le droit de publicité est un concept américain consistant en une protection de la valeur commerciale développée par les individus célèbres autour de leur nom. Beverly Stayart n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’elle a déjà tentée une action similaire devant la même cour à l’encontre du moteur de recherche Yahoo ! qui aboutit, il y a moins d’un an, à un échec (v. Stayart v. Yahoo!, Inc., 2009 WL 2840478 (E.D. Wis. Aug. 28, 2009). Nous sommes donc en présence d’une récidive de sa part, Bev Stayart étant, semble-t-il, assez portée sur ce que l’on appelle les « recherches de vanité » (vanity search ou encore egosearching) consistant à manifester un intérêt prononcé pour son référencement personnel sous Google. Quoi qu’il en soit, l’association entre son nom et le médicament semble maintenant bien ancrée sur les réseaux en raison de hackers ayant cherché à détourner son nom pour augmenter le trafic sur les sites proposant à la vente ce médicament. Mais comme le remarque Thomas Claburn du site InformationWeek, cette plainte risque bien d’avoir l’effet pervers d’augmenter la pertinence de l’association entre le nom de la demanderesse et le Lévitra et donc de rendre la suggestion de mots-clés « Bev Stayart Levitra » encore plus justifiée du point de vue statistique !.... Tout ceci alors même que cette nouvelle plainte a de grande chance de se solder comme la précédente par une absence de condamnation du moteur de recherche.
En définitive, cette plainte démontre que les titulaires de marques ne sont pas les seuls à contrôler de très près ce qui se passe dans le cadre du programme Adwords. D’ailleurs, en l’espèce, les titulaires de la marque « LEVITRA » (Bayer AG, GSK et SP) auraient été tout aussi fondés à intenter une action à l’encontre de Google pour avoir suggéré au premier venu de capitaliser sur leur marque. Peut-être d’ailleurs auraient-ils pu également ajouter une demande subsidiaire visant à condamner Google pour avoir terni l’image de leur marque en l’association en Beverly Stayart… Tout est une question de point de vue !


Stayart v. Google, Inc., 2:10-cv-00336-LA (E.D. Wis. complaint filed April 20, 2010)





vendredi 23 avril 2010

Affaire « letztalk.com » : l’automatisation de la rédaction des plaintes décriée

La présente affaire opposait la société californienne « Letstalk.com, Inc. » spécialisée dans le matériel de communication sans fil et titulaire de la marque « LETSTALK.COM » et du nom de domaine « letstalk.com » à la société russe « Inofirma, Ltd » qui enregistra le nom de domaine « letztalk.com » pour notamment rediriger vers un forum de discussion et un site de réseau social. Il y avait ainsi d’un côté un demandeur qui « criait » au typosquatting (la différence entre les deux noms de domaine consistant dans le remplacement de la lettre « s » par la lettre « z ») alors que de l’autre, le défendeur se réclamait de sa bonne foi et de sa seule intention de capitaliser sur le sens générique du nom de domaine pouvant être lu comme la phrase « Let’s talk ». Mais au-delà de ces faits bien classiques, le paneliste souleva un point qui fut capital dans cette affaire.
Après relecture de la plainte déposée par Letstalk.com, Inc., le paneliste considéra que celle-ci fut préparée de manière entièrement automatisée sans aucune relecture humaine. En effet, cette plainte fit référence, par exemple, aux marques et aux noms de domaine litigieux au pluriel alors que cette affaire ne concernait qu’une seule marque et qu’un seul nom de domaine. Mais plus grave encore, l’argumentation elle-même fut impactée par l’automatisation puisque certains arguments récurrents en matière de contentieux de noms de domaine mais non pertinents en l’espèce étaient reproduits (i.e. le fait que le paneliste ne doive pas tenir compte du « .com » du nom de domaine pour le comparer à une marque alors qu’en l’espèce la marque était elle aussi composée d’un « .com »). Dès lors, le paneliste, quelque peu froissé par ce manque de diligence du demandeur, refusa de considérer les éléments additionnels à la plainte invoqués par le demandeur (v. America Online, Inc. v. Anil Thricovil, FA 638077 (Nat. Arb. Forum Mar. 22, 2006)) pour améliorer la qualité de son argumentation.
Au-delà de ce refus, il semble bien que l’automatisation de la plainte ait également eu des conséquences au stade de l’analyse du litige puisque dans une motivation très laconique, le paneliste conclut que bien que le défendeur ait eu l’intention de tirer profit de cet enregistrement du nom de domaine litigieux par sa revente, il est tout aussi probable que la valeur tirée de ce nom de domaine provient de son caractère générique que de sa similarité avec la marque du demandeur. De surcroît, le paneliste refusa d’admettre la mauvaise foi du défendeur en dépit du fait que celui-ci connaissait l’existence de la marque au moment de l’enregistrement du nom de domaine. A n’en pas douter, cette analyse est plus que favorable au défendeur et il est très probable qu’un arbitre bien moins vexé par l’automatisation des plaintes aurait pu arriver à une conclusion différente sur le fond…
Quoi qu’il en soit, le présent paneliste n’alla pas au bout de sa logique puisqu’il refusa au final de qualifier le comportement du demandeur de « reverse domain name hijacking » en dépit de la légèreté dont celui-ci fit preuve dans la rédaction de la plainte. Une fois n’est pas coutume, il nous parait très juste de ne pas avoir retenu cette qualification en l’espèce puisqu’automatiser le processus de rédaction des plaintes n’a pas de rapport immédiat avec le caractère abusif de celles-ci. En définitive, il serait temps d’améliorer le processus d’automatisation pour ne pas arriver à un résultat contreproductif consistant à « se mettre à dos » le paneliste appelé à juger l’affaire…


Letstalk.com, Inc. v. Inofirma, Ltd c/o Domain Administrator, FA1002001310279 (Nat. Arb. Forum April 21, 2010)




vendredi 16 avril 2010

Vacances : Ralentissement des publications du 16 au 23 avril


Le blog « Webmarklaw.com » va connaître une semaine d’activité très réduite puisque je pars en vacances pour une semaine entre aujourd’hui et vendredi prochain. En attendant, je vous invite à consulter les blogs de mes partenaires :

Cejem.com : site de mon centre de recherche sur lequel les membres publient des articles de fond
Pmdm : le blog de Frédéric Glaize dédié au droit des marques avec qui j’ai organisé le podcast
TICproQuo : le blog de Miroslav Kurdov dédié au droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle avec lequel Webmarklaw.com vient de conclure un partenariat.

Par ailleurs, je vous invite à vous inscrire au projet communautaire « ip-sharing » consistant à partager le maximum d’informations sur la propriété intellectuelle.

Bon week-end et bonne semaine !


mercredi 14 avril 2010

Affaire « Subway » : aucune condition du paragraphe 4(a) des principes UDRP ne doit être négligée

L’affaire « Subway » concernait un litige arbitrale entre la société Doctor’s Associates, Inc. basée en Floride et titulaire de la marque renommée « Subway » et la société Atomix basée en Arizona qui avait enregistré le nom de domaine "mysubwsayrewards.com" pour rediriger vers un site proposant des chèques cadeaux valides dans les restaurant du demandeur. L’affaire paraissait bouclée d’autant que le défendeur n’avait pas adressé d’argument en réponse à ceux évoqués dans la plainte…
Et pourtant, Doctor’s Associates vient de subir un revers douloureux dans la mesure où le paneliste refusa d’admettre que le nom de domaine litigieux est similaire à la marque à un point tel qu’il existe un risque de confusion, ce qui est, au demeurant, la première exigence (souvent aisément démontrée) du paragraphe 4(a) des principes UDRP pour prouver le cybersquatting. En premier lieu, le paneliste remarque que bien qu’il ne soit pas tenu de comparer le nom domaine associé à l’extension « .com » à la marque, il est nécessaire de prendre en compte tous les mots se trouvant à la gauche du « . ». En l’espèce il fallait donc bien prendre en considération « my » et « rewards ». De surcroît, le paneliste rappelle de manière rigoureuse que la comparaison entre le nom de domaine litigieux et la marque ne doit pas prendre en considération d’éléments étrangers tels que l’impression commerciale globale ou encore le contenu du site vers lequel le nom de domaine dirige (v. Telstra Corporation Limited v. Mandino Pty Ltd, WIPO Case No. DAU2006-0006 ; Scholastic Inc. v. ScholasticAdvising.com and Ramit Sethi, WIPO Case No. D2001-0946 ; Thomas Cook Holdings Limited v. Sezgin Aydin, WIPO Case No. D2000-0676). Enfin, le titulaire d’une marque ne saurait démontrer automatiquement la similarité d’un nom de domaine litigieux seulement à partir du moment où il détient un droit sur une marque et que cette marque est reproduite dans un nom de domaine (v. Research in Motion Limited v. One Star Global LLC, WIPO Case No. D2009-0227). En d’autres termes, un titulaire de marque n’a pas de droit sur toutes les combinaisons possibles de mots avec sa marque au sein d’un nom de domaine.
Au final, le paneliste conclut (et c’est là que le bas blesse…) que bien que le niveau de preuve quant à l’existence d’une similarité entraînant un risque de confusion soit relativement bas, il n’en demeure pas moins nécessaire de satisfaire cette exigence pour pouvoir démontrer l’existence d’un cybersquatting…


Doctor’s Associates Inc. v. Atomix, Case No. D2010-0060 (WIPO April 6, 2010)




mardi 13 avril 2010

Etats-Unis : un hébergeur reconnu complice de contrefaçon des marques Vuitton

La Cour du District Nord de Californie (San Jose) a rendu son verdict très attendu dans une affaire « Louis Vuitton Malletier, S.A. v. Akanoc Solutions, Inc. », 2010 U.S. Dist. LEXIS 34021 (N.D. Cal. 2010). En l’espèce, la société Louis Vuitton avait engagé des poursuites à l’encontre d’Akanoc Solutions, un prestataire d’hébergement pour complicité de contrefaçon (contributory infringement) sur le terrain du droit d’auteur et du droit des marques (seul ce dernier fondement nous intéressera). Il était reproché à l’hébergeur de ne pas avoir prévu de procédures spécifiques en cas de contrefaçon de marque. De surcroît, bien qu’Akanoc disposait de moyens techniques pour stopper l’accès aux sites internet contrefaisants hébergés sur ses serveurs, cet hébergeur ne manifesta aucune réaction lorsque Vuitton l’informa que certains des sites hébergés proposaient des contrefaçons. Le jury réuni par la cour de district californienne a rendu son verdict et accordé pas moins de 10,5 millions de dollars au titre de la complicité pour contrefaçon.
L’intérêt de cet arrêt est de confirmer une tendance, également observée dans l’arrêt « Tiffany », des juridictions américaines à se concentrer sur les procédures que proposent les fournisseurs de services sur internet aux titulaires de marques pour signaler des actes de contrefaçon. Jusqu’à aujourd’hui, en effet, ces fournisseurs de service pensaient qu’ils n’étaient pas tenu de proposer de telles solutions en matière de contrefaçon de marque car le Lanham Act, à l’inverse du Digital Millenium Copyright Act (DMCA) concernant les droits d’auteur, ne prévoit pas de régime de responsabilité articulé autour des notions de « notification » (ou « takedown notice ») et de « responsable de la contrefaçon » (ou « DMCA copyright agent »). La présente décision « Akanoc » ainsi que l’arrêt « Tiffany » démontrent que la jurisprudence américaine compte bien combler ce manque législatif en imposant un degré similaire de diligence de la part des fournisseurs de service en ce qui concerne la lutte contre la contrefaçon réalisée par le biais de leurs services. Les conclusions opposées auxquelles sont arrivés les juges dans ces deux affaires illustrent très bien ce phénomène. Dans l’affaire « Tiffany », eBay avait mis en place une politique de lutte contre la contrefaçon, point sur lequel la Cour d’appel du 2nd Circuit avait insisté dans son analyse de la complicité de contrefaçon de marque ayant abouti à l’absence de sanction contre le site de vente aux enchères en ligne. Dans la présente affaire « Akanoc », le défendeur n’avait mis en place aucune procédure spécifique et c’est, semble-t-il, un des points essentiels pour lesquels le jury a retenu la complicité de contrefaçon.
En définitive, il semble que se dessine une jurisprudence de plus en plus précise sur le régime de la complicité de contrefaçon (contributory infringement) de marque sur internet consistant en (i) un alignement sur le régime de responsabilité prévu par le DMCA et (ii) une prise en compte explicite des efforts fournis par un prestataire de services pour lutter contre les contrefaçons réalisées à l’aide de ses services.


Louis Vuitton Malletier, S.A. v. Akanoc Solutions, Inc., 2010 U.S. Dist. LEXIS 34021 (N.D. Cal. 2010)