vendredi 30 avril 2010

Mise au jour d’une vague sans précédent de typosquatting sur le « .fr » !

L’INDOM a détecté une opération de typosquatting de grande ampleur qui concernerait pas moins de 738 noms de domaine en « .fr » typosquattant des noms de domaine détenus par des titulaires de marques renommées ou encore des administrations publiques. Ainsi, à titre d’illustration, ont été enregistrés les noms de domaine « leparisisen.fr », « confarama.fr », « facezbook.fr » ou encore « impotgov.fr ». Cette attaque a été réalisée en trois étapes : 187 noms de domaine frauduleux ont été enregistrés le 30 mars, puis 197 noms de domaine le 31 mars et enfin, et enfin, 354 noms de domaine le 11 avril. Ces noms de domaine ont été enregistrés au près d’un registrar situé aux Bahamas appelé « Internet. bs Corp. »… et tout ceci sous de fausses identités françaises. En tout ce ne sont pas moins de 11 fausses identités qui ont servies à la supercherie parmi lesquelles « Edmond Ockley », « Angelika Beaulieu », « Jennine Rochette » ou encore « Eliott Pigue » (c’est très bizarre, mais ces différents noms sonnent vraiment faux…). Ces personnes fictives auraient par ailleurs été associées à des communes françaises telles que Sarreguemines ou encore Taverny. Pierre Berecz, PDG de Indom, aurait déclaré que bien que le typosquatting soit une pratique frauduleuse bien connue, l’originalité de la présente attaque réside dans le fait que tous les secteurs sont touchés.
En définitive, l’INDOM qui est en premier lieu un registrar mais qui propose également des services de surveillance a réussi un beau coup de filet qui ne manquera pas de lui faire au passage un peu de publicité. Il semble que ce registrar utilise des robots spéciaux capables de détecter des enregistrements suspects. Quoi qu’il en soit, les titulaires des noms de domaine typosquattés ont, à présent, le loisir d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre de ces pirates qu’il conviendra, néanmoins, de démasquer… A noter qu’ils pourront également saisir le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP) conformément aux principes de la « Procédure Alternative de Résolution des Litiges du .fr et du .re » (PARL).


La liste des noms de domaine frauduleux






jeudi 29 avril 2010

Liens commerciaux : victoire légitime d’Amazon grâce une motivation bancale

La cour de District du Colorado vient de rendre sa décision dans une l’affaire « Video Professor, Inc. v. Amazon.com, Inc. » dans laquelle une société éditrice de logiciels pédagogiques pour l’apprentissage de l’informatique poursuivait le géant du commerce en ligne pour avoir réservé des mots-clés reproduisant sa marque afin de déclencher des liens commerciaux redirigeant vers une de ses pages. Bien que cette page contienne des offres légales de vente des produits du titulaire de marque, le problème était qu’Amazon proposait également sur cette même page des offres alternatives. Et c’est en cela que Video Professor s’est senti lésée.
Cette plainte était quelque peu mal partie dans le contexte actuel notamment depuis l’arrêt rendue par la cour d’appel du 2nd Circuit dans l’affaire « Tiffany (NJ), Inc. v. eBay, Inc. » (No. 08-3947-cv (2d Cir. April 1, 2010)) dans laquelle les juges ont considéré, concernant des faits similaire, que « eBay a fait un usage de la marque pour décrire de façon exacte les véritables produits Tiffany offerts à la vente sur son site. […] [En outre,] [i]mposer une responsabilité en raison du fait qu’eBay ne peut garantir la régularité de tous les produits Tiffany offerts sur son site aurait pour conséquence de restreindre de les ventes légales de produits Tiffany ». Dans la présente affaire Amazon, le site de commerce électronique proposait également de façon légale les produits du titulaire et il était, ainsi, également possible de conclure que l’usage des mots-clés s’apparentait à un « usage nominatif » (nominative use) excluant la contrefaçon de marque. Les faits de l’affaire Tiffany étaient, du reste, plus accablants que ceux de la présente affaire Amazon puisque des produits contrefaisants étaient proposés sur le site de vente aux enchères en ligne alors que dans la présente affaire, seule une offre alternative était proposée. Il aurait été alors assez aisé pour la cour du District du Colorado de conclure à l’absence pure et simple de contrefaçon sans passer par le détour contractuel qu’elle emprunte en l’espèce.
En effet, Amazon fonda l’essentiel de son argumentation sur une clause comprise dans son « Manuel du Vendeur » (Vendor Manual) à laquelle avait consenti antérieurement Video Professor lorsque cette société avait décidé de vendre certains de ses produits sur Amazon. Cette clause stipulait que Video Professor concède une licence permettant à Amazon « l’usage mondial, perpétuel et sans rétribution » de ses marques… Par ailleurs était également ajouté au contrat une clause supplémentaire stipulant que la clause de licence survivrait à résiliation en tout ou partie du contrat… Bien que Video Professor ne soit pas un consommateur et que le droit américain sacralise l’autonomie de la volonté des parties, une telle licence semble toutefois caricaturale (pour ne pas dire abusive). Pourtant, le juge Robert E. Blackburn s’en lave les mains en rappelant que, en vertu du droit de l’Etat de Washington applicable au contrat, le juge est tenu d’appliquer les stipulations claires et non ambigües (Black v. National Merit Ins. Co., 226 P.3d 175 (Wash. App. 2010)). Par ailleurs, le juge exclut également l’annulation du contrat en raison de la mauvaise foi de Amazon dans la mesure où Vendor Manual ne se serait vue imposer aucune des clauses prévues dans le Manuel du Vendeur. Enfin, et c’est là que la décision mériterait d’être le plus critiquée, le juge rejette catégoriquement l’argument fondé sur la « substantive unconscionability » (mécanisme permettant au juge de rééquilibrer des contrats défavorisant trop une des deux parties) dans la mesure où la clause en question ne serait pas choquante à un degré tel qu’il est préférable de la modifier. Si une licence perpétuelle, mondiale et sans rétribution et qui plus est entièrement vague sur le type d’utilisation et non résiliable n’est pas une clause choquante, on se demande ce qui pourrait l’être ?...
En définitive, ce jugement passe, nous semble-t-il, complètement à côté de son sujet dans la mesure où (i) d’une part, il aurait été préférable de suivre une jurisprudence maintenant bien établie refusant de reconnaitre la contrefaçon de marque dans de telles circonstances en se fondant sur l’exception (certes un peu fumeuse) d’« usage nominatif » et (ii) d’autre part, le contrat sur lequel se fonde la cour de district aurait peut-être du être au pire ignoré par le juge, au mieux annulé en ce qui concerne la clause de licence d’utilisation des marques. Il serait intéressant que cette affaire soit rejugée en appel, ne serait-ce que pour arriver au même résultat mais de manière plus rigoureuse. Toutefois, la rigueur juridique et la clarté jurisprudentielle ne doivent pas être le souci principal de Video Professor…


Video Professor, Inc. v. Amazon.com, Inc., 1:09-cv-00636-REB-KLM (D. Colo. April 21, 2010)




mercredi 28 avril 2010

Contrefaçon numérique : les héritiers de Michael Jackson ne perdent pas le nord !

Cela fait maintenant bientôt un an que le « dieu de la pop » est décédé et pourtant, il semble que ses héritiers aient bradé leur tenue de deuil contre celle, beaucoup plus plaisante, d’héritiers violés dans leur droit. Ils viennent, en effet, d’annoncer que juge fédéral Dolly M. Gee leur a accordé une injonction à l’encontre de Melissa Johnson domiciliée en Californie qui avait créé la fondation « Heal The World ». Dans le cadre de cette fondation, Melissa Johnson utilisait, en plus de ce titre bien connue de Michael Jackson, les noms et marques revenant de droits aux héritiers et tout ceci via plusieurs sites internet. Bien que Michael Jackson ait créé une fondation portant le même nom en 1992, cette dernière est demeurée inactive depuis plusieurs années.
Dans son opinion, le juge Gee aurait conclu que les sites internet en cause portent à confusion dans la mesure où un internaute moyen pourrait croire qu’ils seraient spécialement affiliés à la star de la pop ou plutôt à ses héritiers. En outre, Melissa Johnson est également reconnue coupable de cybersquatting dans la mesure où elle aurait tenté d’enregistrer les noms de domaine « mjaid.com » et « mjquotes.com » (les initiales « mj » étant également sources de confusion). Selon des sources non vérifiées, la défenderesse aurait d’ailleurs tenté d’enregistrer environ une quarantaine de noms de domaine dérivés des marques dont les héritiers de Michael Jackson sont titulaires… Si tel est le cas, les intentions de celles-ci sont, au final, plutôt claires ! Quoi qu’il en soit, cette action démontre que l’héritage de Michael Jackson est tombé entre de bonnes mains qui sauront en maximiser la valeur.

mardi 27 avril 2010

Nevada, Ultimate fighting et cybersquatting !

La société Zuffa, LLC, titulaire des marques « THE ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP » et « UFC » pour la désignation de produits liés à l’ultimate fighting vient d’engager une action réelle (in rem action) devant la cour de District du Nevada aux fins de récupérer le nom de domaine « theultimatefighter.com ». Le nom de domaine litigieux a été enregistré par un particulier, Anton Resnick, le 22 janvier 2004 pour rediriger vers une page Yahoo ! dédiée à plusieurs arts martiaux.
La plainte vise notamment la mauvaise foi de Resnick qui aurait enregistré le nom de domaine pour tirer profit de la marque détenue par Zuffa. Toutefois, ces allégations demeurent très générales et l’on sent à la lecture de l’argumentation que la société spécialisée dans l’ultimate fighting était à cours d’arguments. Zuffa se contente, en effet, que d’affirmer la mauvaise foi du prétendu cybersquatter sans pour autant, à notre sens, la prouver. Plus intéressant encore, le litige ne se fonde pas sur les deux marques précitées qui ne sont que similaires au nom de domaine mais à une troisième marque, « THE ULTIMATE FIGHTER », identique au nom de domaine, que Zuffa aurait acquise en 2003 par usage en relation avec un show de téléréalité. Or, l’enregistrement du nom de domaine ayant été réalisé début 2004, la plainte devrait en toute logique aboutir à une issue favorable pour le titulaire de cette marque. Oui mais le problème est que le show en question n’a été diffusé qu’à partir de 2005… Les juges devront donc déterminer exactement le moment auquel la marque a acquis une « signification secondaire » (secondary meaning) correspondant à l’obtention du droit sur la marque par Zuffa sous l’angle de la common law. En outre, Zuffa détient également un droit fédéral sur cette marque mais l’enregistrement de celle-ci (qui correspond à l’obtention de ce droit subjectif fédéral) date de juin 2004, ce qui est postérieur à l’enregistrement du nom de domaine ayant eu lieu en janvier.
En définitive, il était fort à parier qu’un tel nom de domaine susciterait des convoitises, l’ultimate fighting étant de plus en plus populaire aux Etats-Unis. Le nom de domaine « theultimatefighter.com » est ainsi, sans aucun doute, une vraie mine d’or en termes de trafic généré. Or, sans tomber dans le cliché, tout ce qui brille et appâte le client n’est-il pas la chose la plus importante dans le Nevada ?...


La plainte déposée par Zuffa, LLC (D. Nev. April 21, 2010)





lundi 26 avril 2010

Le droit des marques n’a pas l’exclusivité du contentieux des liens commerciaux

C’est l’enseignement à tirer de la plainte déposée par Beverly Stayart, une activiste pour la défense des droits des animaux connue aux Etats-Unis, devant la cour du District Est de l’Etat du Wisconsin mardi dernier. En l’espèce, la demanderesse se plaint du fonctionnement de l’outil de suggestion de mots-clés accompagnant le programme Adwords de Google qui proposerait l’association de son diminutif « Bev Stayart » avec le mot « Levitra » qui n’est autre que le nom d’un médicament destiné à traiter les problèmes d’érection à l’instar du Viagra… On comprend que l’association n’est pas vraiment flatteuse même si la demanderesse ne pouvait en aucun cas se sentir visée puisqu’appartenant à la gente féminine.
La plainte se fonde essentiellement sur l’« appropriation frauduleuse du nom » de la demanderesse (name misappropriation) ayant entraîné une violation de son « droit de publicité » (right of publicity) au sens de l’article 995.50(2)(b) de la loi du Wisconsin. A noter que le droit de publicité est un concept américain consistant en une protection de la valeur commerciale développée par les individus célèbres autour de leur nom. Beverly Stayart n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’elle a déjà tentée une action similaire devant la même cour à l’encontre du moteur de recherche Yahoo ! qui aboutit, il y a moins d’un an, à un échec (v. Stayart v. Yahoo!, Inc., 2009 WL 2840478 (E.D. Wis. Aug. 28, 2009). Nous sommes donc en présence d’une récidive de sa part, Bev Stayart étant, semble-t-il, assez portée sur ce que l’on appelle les « recherches de vanité » (vanity search ou encore egosearching) consistant à manifester un intérêt prononcé pour son référencement personnel sous Google. Quoi qu’il en soit, l’association entre son nom et le médicament semble maintenant bien ancrée sur les réseaux en raison de hackers ayant cherché à détourner son nom pour augmenter le trafic sur les sites proposant à la vente ce médicament. Mais comme le remarque Thomas Claburn du site InformationWeek, cette plainte risque bien d’avoir l’effet pervers d’augmenter la pertinence de l’association entre le nom de la demanderesse et le Lévitra et donc de rendre la suggestion de mots-clés « Bev Stayart Levitra » encore plus justifiée du point de vue statistique !.... Tout ceci alors même que cette nouvelle plainte a de grande chance de se solder comme la précédente par une absence de condamnation du moteur de recherche.
En définitive, cette plainte démontre que les titulaires de marques ne sont pas les seuls à contrôler de très près ce qui se passe dans le cadre du programme Adwords. D’ailleurs, en l’espèce, les titulaires de la marque « LEVITRA » (Bayer AG, GSK et SP) auraient été tout aussi fondés à intenter une action à l’encontre de Google pour avoir suggéré au premier venu de capitaliser sur leur marque. Peut-être d’ailleurs auraient-ils pu également ajouter une demande subsidiaire visant à condamner Google pour avoir terni l’image de leur marque en l’association en Beverly Stayart… Tout est une question de point de vue !


Stayart v. Google, Inc., 2:10-cv-00336-LA (E.D. Wis. complaint filed April 20, 2010)





vendredi 23 avril 2010

Affaire « letztalk.com » : l’automatisation de la rédaction des plaintes décriée

La présente affaire opposait la société californienne « Letstalk.com, Inc. » spécialisée dans le matériel de communication sans fil et titulaire de la marque « LETSTALK.COM » et du nom de domaine « letstalk.com » à la société russe « Inofirma, Ltd » qui enregistra le nom de domaine « letztalk.com » pour notamment rediriger vers un forum de discussion et un site de réseau social. Il y avait ainsi d’un côté un demandeur qui « criait » au typosquatting (la différence entre les deux noms de domaine consistant dans le remplacement de la lettre « s » par la lettre « z ») alors que de l’autre, le défendeur se réclamait de sa bonne foi et de sa seule intention de capitaliser sur le sens générique du nom de domaine pouvant être lu comme la phrase « Let’s talk ». Mais au-delà de ces faits bien classiques, le paneliste souleva un point qui fut capital dans cette affaire.
Après relecture de la plainte déposée par Letstalk.com, Inc., le paneliste considéra que celle-ci fut préparée de manière entièrement automatisée sans aucune relecture humaine. En effet, cette plainte fit référence, par exemple, aux marques et aux noms de domaine litigieux au pluriel alors que cette affaire ne concernait qu’une seule marque et qu’un seul nom de domaine. Mais plus grave encore, l’argumentation elle-même fut impactée par l’automatisation puisque certains arguments récurrents en matière de contentieux de noms de domaine mais non pertinents en l’espèce étaient reproduits (i.e. le fait que le paneliste ne doive pas tenir compte du « .com » du nom de domaine pour le comparer à une marque alors qu’en l’espèce la marque était elle aussi composée d’un « .com »). Dès lors, le paneliste, quelque peu froissé par ce manque de diligence du demandeur, refusa de considérer les éléments additionnels à la plainte invoqués par le demandeur (v. America Online, Inc. v. Anil Thricovil, FA 638077 (Nat. Arb. Forum Mar. 22, 2006)) pour améliorer la qualité de son argumentation.
Au-delà de ce refus, il semble bien que l’automatisation de la plainte ait également eu des conséquences au stade de l’analyse du litige puisque dans une motivation très laconique, le paneliste conclut que bien que le défendeur ait eu l’intention de tirer profit de cet enregistrement du nom de domaine litigieux par sa revente, il est tout aussi probable que la valeur tirée de ce nom de domaine provient de son caractère générique que de sa similarité avec la marque du demandeur. De surcroît, le paneliste refusa d’admettre la mauvaise foi du défendeur en dépit du fait que celui-ci connaissait l’existence de la marque au moment de l’enregistrement du nom de domaine. A n’en pas douter, cette analyse est plus que favorable au défendeur et il est très probable qu’un arbitre bien moins vexé par l’automatisation des plaintes aurait pu arriver à une conclusion différente sur le fond…
Quoi qu’il en soit, le présent paneliste n’alla pas au bout de sa logique puisqu’il refusa au final de qualifier le comportement du demandeur de « reverse domain name hijacking » en dépit de la légèreté dont celui-ci fit preuve dans la rédaction de la plainte. Une fois n’est pas coutume, il nous parait très juste de ne pas avoir retenu cette qualification en l’espèce puisqu’automatiser le processus de rédaction des plaintes n’a pas de rapport immédiat avec le caractère abusif de celles-ci. En définitive, il serait temps d’améliorer le processus d’automatisation pour ne pas arriver à un résultat contreproductif consistant à « se mettre à dos » le paneliste appelé à juger l’affaire…


Letstalk.com, Inc. v. Inofirma, Ltd c/o Domain Administrator, FA1002001310279 (Nat. Arb. Forum April 21, 2010)




vendredi 16 avril 2010

Vacances : Ralentissement des publications du 16 au 23 avril


Le blog « Webmarklaw.com » va connaître une semaine d’activité très réduite puisque je pars en vacances pour une semaine entre aujourd’hui et vendredi prochain. En attendant, je vous invite à consulter les blogs de mes partenaires :

Cejem.com : site de mon centre de recherche sur lequel les membres publient des articles de fond
Pmdm : le blog de Frédéric Glaize dédié au droit des marques avec qui j’ai organisé le podcast
TICproQuo : le blog de Miroslav Kurdov dédié au droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle avec lequel Webmarklaw.com vient de conclure un partenariat.

Par ailleurs, je vous invite à vous inscrire au projet communautaire « ip-sharing » consistant à partager le maximum d’informations sur la propriété intellectuelle.

Bon week-end et bonne semaine !


mercredi 14 avril 2010

Affaire « Subway » : aucune condition du paragraphe 4(a) des principes UDRP ne doit être négligée

L’affaire « Subway » concernait un litige arbitrale entre la société Doctor’s Associates, Inc. basée en Floride et titulaire de la marque renommée « Subway » et la société Atomix basée en Arizona qui avait enregistré le nom de domaine "mysubwsayrewards.com" pour rediriger vers un site proposant des chèques cadeaux valides dans les restaurant du demandeur. L’affaire paraissait bouclée d’autant que le défendeur n’avait pas adressé d’argument en réponse à ceux évoqués dans la plainte…
Et pourtant, Doctor’s Associates vient de subir un revers douloureux dans la mesure où le paneliste refusa d’admettre que le nom de domaine litigieux est similaire à la marque à un point tel qu’il existe un risque de confusion, ce qui est, au demeurant, la première exigence (souvent aisément démontrée) du paragraphe 4(a) des principes UDRP pour prouver le cybersquatting. En premier lieu, le paneliste remarque que bien qu’il ne soit pas tenu de comparer le nom domaine associé à l’extension « .com » à la marque, il est nécessaire de prendre en compte tous les mots se trouvant à la gauche du « . ». En l’espèce il fallait donc bien prendre en considération « my » et « rewards ». De surcroît, le paneliste rappelle de manière rigoureuse que la comparaison entre le nom de domaine litigieux et la marque ne doit pas prendre en considération d’éléments étrangers tels que l’impression commerciale globale ou encore le contenu du site vers lequel le nom de domaine dirige (v. Telstra Corporation Limited v. Mandino Pty Ltd, WIPO Case No. DAU2006-0006 ; Scholastic Inc. v. ScholasticAdvising.com and Ramit Sethi, WIPO Case No. D2001-0946 ; Thomas Cook Holdings Limited v. Sezgin Aydin, WIPO Case No. D2000-0676). Enfin, le titulaire d’une marque ne saurait démontrer automatiquement la similarité d’un nom de domaine litigieux seulement à partir du moment où il détient un droit sur une marque et que cette marque est reproduite dans un nom de domaine (v. Research in Motion Limited v. One Star Global LLC, WIPO Case No. D2009-0227). En d’autres termes, un titulaire de marque n’a pas de droit sur toutes les combinaisons possibles de mots avec sa marque au sein d’un nom de domaine.
Au final, le paneliste conclut (et c’est là que le bas blesse…) que bien que le niveau de preuve quant à l’existence d’une similarité entraînant un risque de confusion soit relativement bas, il n’en demeure pas moins nécessaire de satisfaire cette exigence pour pouvoir démontrer l’existence d’un cybersquatting…


Doctor’s Associates Inc. v. Atomix, Case No. D2010-0060 (WIPO April 6, 2010)




mardi 13 avril 2010

Etats-Unis : un hébergeur reconnu complice de contrefaçon des marques Vuitton

La Cour du District Nord de Californie (San Jose) a rendu son verdict très attendu dans une affaire « Louis Vuitton Malletier, S.A. v. Akanoc Solutions, Inc. », 2010 U.S. Dist. LEXIS 34021 (N.D. Cal. 2010). En l’espèce, la société Louis Vuitton avait engagé des poursuites à l’encontre d’Akanoc Solutions, un prestataire d’hébergement pour complicité de contrefaçon (contributory infringement) sur le terrain du droit d’auteur et du droit des marques (seul ce dernier fondement nous intéressera). Il était reproché à l’hébergeur de ne pas avoir prévu de procédures spécifiques en cas de contrefaçon de marque. De surcroît, bien qu’Akanoc disposait de moyens techniques pour stopper l’accès aux sites internet contrefaisants hébergés sur ses serveurs, cet hébergeur ne manifesta aucune réaction lorsque Vuitton l’informa que certains des sites hébergés proposaient des contrefaçons. Le jury réuni par la cour de district californienne a rendu son verdict et accordé pas moins de 10,5 millions de dollars au titre de la complicité pour contrefaçon.
L’intérêt de cet arrêt est de confirmer une tendance, également observée dans l’arrêt « Tiffany », des juridictions américaines à se concentrer sur les procédures que proposent les fournisseurs de services sur internet aux titulaires de marques pour signaler des actes de contrefaçon. Jusqu’à aujourd’hui, en effet, ces fournisseurs de service pensaient qu’ils n’étaient pas tenu de proposer de telles solutions en matière de contrefaçon de marque car le Lanham Act, à l’inverse du Digital Millenium Copyright Act (DMCA) concernant les droits d’auteur, ne prévoit pas de régime de responsabilité articulé autour des notions de « notification » (ou « takedown notice ») et de « responsable de la contrefaçon » (ou « DMCA copyright agent »). La présente décision « Akanoc » ainsi que l’arrêt « Tiffany » démontrent que la jurisprudence américaine compte bien combler ce manque législatif en imposant un degré similaire de diligence de la part des fournisseurs de service en ce qui concerne la lutte contre la contrefaçon réalisée par le biais de leurs services. Les conclusions opposées auxquelles sont arrivés les juges dans ces deux affaires illustrent très bien ce phénomène. Dans l’affaire « Tiffany », eBay avait mis en place une politique de lutte contre la contrefaçon, point sur lequel la Cour d’appel du 2nd Circuit avait insisté dans son analyse de la complicité de contrefaçon de marque ayant abouti à l’absence de sanction contre le site de vente aux enchères en ligne. Dans la présente affaire « Akanoc », le défendeur n’avait mis en place aucune procédure spécifique et c’est, semble-t-il, un des points essentiels pour lesquels le jury a retenu la complicité de contrefaçon.
En définitive, il semble que se dessine une jurisprudence de plus en plus précise sur le régime de la complicité de contrefaçon (contributory infringement) de marque sur internet consistant en (i) un alignement sur le régime de responsabilité prévu par le DMCA et (ii) une prise en compte explicite des efforts fournis par un prestataire de services pour lutter contre les contrefaçons réalisées à l’aide de ses services.


Louis Vuitton Malletier, S.A. v. Akanoc Solutions, Inc., 2010 U.S. Dist. LEXIS 34021 (N.D. Cal. 2010)




lundi 12 avril 2010

Affaire « mia.com » : Encore une occasion manquée de qualifier le Reverse Domain Name Hijacking

Cela fait maintenant plusieurs fois que nous avons commenté des décisions arbitrales UDRP en regrettant que le panel refuse de qualifier ce qui est communément appelé le « Reverse Domain Name Hijacking » (ou reverse cybersquatting). Rappelons que cette notion visée par le paragraphe 15(e) des règles UDRP au nom quelque peu barbare correspond en réalité très simplement à l’abus de procédure UDRP dont certains titulaires de marques font preuve en dénonçant des faits de cybersquatting à l’encontre de propriétaires de noms de domaine parfaitement légitimes. La récente décision du National Arbitration Forum (NAF) dans une affaire « Mosaic International, LLC v. PZ » (April, 7th, 2010) ou affaire « mia.com » témoigne à nouveau de ce phénomène.
En l’espèce, il s’agissait de poursuites engagées par une société californienne titulaire de la marque « MIA » utilisée pour du matériel de coiffure à l’encontre d’une particulière qui avait enregistré le nom de domaine « mia.com » en 1995 pour la fourniture d’un serveur d’emails (ou babillard) destiné aux employés de la ville de Miami en Floride. Le paneliste s’attacha, en premier lieu, à déterminer si les trois conditions pour qu’il y ait cybersquatting étaient remplies. De façon assez originale, le paneliste étudia tout d’abord la troisième condition à savoir l’enregistrement et l’usage de mauvaise foi par le défendeur. Sur ce point, le paneliste constate de manière très laconique que l’enregistrement du nom de domaine ayant eu lieu bien avant l’usage du signe à titre de marque par le demandeur, il ne peut y avoir d’enregistrement ou d’usage du nom de domaine litigieux de mauvaise foi (v. Interep Nat'l Radio Sales, Inc. v. Internet Domain Names, Inc., D2000-0174 (WIPO May 26, 2000) ; Telecom Italia S.p.A. v. NetGears LLC, FA 944807 (Nat. Arb.Forum May 16, 2007)). Ensuite, le paneliste revient sur les deux premières questions en constatant simplement que dès lors que la mauvaise foi n’est pas démontrée, il n’est pas nécessaire de s’attarder sur celles-ci.
Enfin et surtout, concernant la demande adressée par le défendeur visant à ce que le demandeur soit reconnu coupable de reverse domain name hijacking, le paneliste conclut de manière encore plus laconique que « Bien que le Panel ait déterminé que le demandeur n’a pas satisfait les exigences posées par [les règles UDRP pour qualifier le cybersquatting], cela n’impose pas nécessairement de conclure à un reverse domain name hijacking à l’encontre du demandeur » (v. ECG European City Guide v. Woodell, FA 183897 (Nat. Arb. Forum Oct. 14, 2003)). Il est vrai que la défenderesse n’avait pas aidé le paneliste en l’espèce puisqu’elle avait seulement introduit sa demande en disant que le demandeur n’ayant pas engagé de poursuites à son encontre en toute bonne foi, il devait être jugé coupable de reverse domain name hijacking. Toutefois, il était aisé de considérer que le demandeur ayant engagé des poursuites contre le propriétaire d’un nom de domaine l’ayant déposé pas moins de 15 plus tôt (soit 9 ans avant qu’il n’utilise sa marque), il cherchait à récupérer le nom de domaine en toute mauvaise foi et utilisait de manière abusive la procédure UDRP pour pouvoir bénéficier d’un nom de domaine qui, par manque de chance, ne lui revenait pas ! Décidemment, que ce soit des panelistes de l’OMPI ou du National Arbitration Forum, la prudence semble être de mise pour ce qui concerne toute qualification qui n’est pas absolument nécessaire pour la résolution du litige. Bien que certaines décisions servent de précédents pour définir la notion de reverse domaine name hijacking, telles que Liquid Nutrition Inc. v. liquidnutrition.com/Vertical Axis Inc., Case No. D2007-1598 (WIPO 2007) ou Urban Logic, Inc. v. Urban Logic, Peter Holland, Case No. D2009-0862 (WIPO 2009), on manque encore de recul pour bien cerner cette notion qui, au demeurant, mériterait qu’on y associe des sanctions plus lourdes…


Mosaic International, LLC v. PZ - No Auction, FA1002001307578 (NAt. Arb. Forum April 7, 2010)




samedi 10 avril 2010

Revue de Tweets par Webmarklaw.com #1

Voici une revue des tweets qui ont été retweetés par Webmarklaw.com. Ces liens présentent le titre des tweets suivi de la source du tweet (et pas forcément de l'article associé) entre parenthèses.



- Yahoo Files Trademark Application to Own "It's You" Expression (WTRMagazine RT @iPchicca)
- Google Gives the US Government Access to Gmail (PrivacyLaw)
- WIPO reports increase cybersquatting disputes (IPThinkTank)
- Les URL courtes: une corde de plus à l'arc des pirates du net (alexandrenappey)
- Google search: more links are malicious than you realize (aixtal)
- WIPO to provide Dispute Resolution Services for TV Show Format Industry (droit_ntic)
- Eye tracking: où va le regard des internautes? (CaddreReputation)
- Espagne: Google obligé de retirer des données personnelles de résultats de recherche (CedricManara)
- TTAB Resumes Proceedings in Oldest Pending Cases (TTABlog)
- Le rapport du Forum des Droits sur l'Internet sur la publicité ciblée n'a été remarquée que par... 5 journaux ? (CedricManara)
- Discuss This Post-Tiffany/eBay Fact Pattern (TrademarkBlog)
- NewTimes: Rwanda to Manage "dot rw" domain (ccTLDNews)
- Goodwill Industries Announces Domain Name Donation Program (domainnamenews)
- La justice privée pour les noms de domaine est-elle équitable? (alexandrenappey)


vendredi 9 avril 2010

Affaire « Laxton» : entre vol de noms de domaine et conflit de lois

La cour d’appel du 9e Circuit vient de rendre sa décision dans une affaire « CRS Recovery, Inc. v. Laxton » qui présentait des fait, au final, plutôt complexes, qu’il est possible de résumer de la manière suivante : la société demanderesse avait confié la gestion de deux noms de domaine à une autre société qui, ayant fait faillite, n’avait pu correctement renouveler un des noms de domaine. Un individu enregistra le premier de ces noms de domaine. Il récupéra ainsi l’adresse mail initialement utilisée par l’administrateur des noms de domaine et ordonna alors, par ce biais, le transfert du second nom de domaine à son actif. Ce second nom de domaine acquis frauduleusement fut revendu plusieurs fois jusqu’à ce qu’un certain John Laxton en fasse l’acquisition de toute bonne foi. Confrontée à ce litige, la cour d’appel du 9e Circuit se devait de répondre à deux questions : (i) quelle était la loi applicable en l’espèce ? ;(ii) à qui devait revenir la propriété du nom de domaine frauduleusement dérobé ?
En ce qui concerne le conflit de lois, la société demanderesse située en Virginie exigeait l’application de la loi californienne alors que le défendeur domicilié en Californie demandait l’application de la loi de l’Etat de Virginie. La cour d’appel du 9e Circuit rappelle le test applicable en trois étapes : (1) Les lois en conflit des deux Etats différent-elles substantiellement ? (2) Si oui, y-t-il un conflit d’intérêts entre ces deux Etats quant à l’application de leurs propres lois aux faits d’espèce ; (3) Si oui, lequel de ces deux Etats subirait le plus de dommage à ne pas voir sa loi appliquée en l’espèce (v. Abogados v. AT&T, Inc., 223 F.3d 932, 934 (9th Cir. 2000)). Il convient de noter qu’à défaut de démontrer ces trois étapes, la loi du forum (californienne en l’espèce) est applicable.
La cour d’appel étudia donc en premier lieu si les lois californienne et virginienne différaient substantiellement en l’espèce. La loi californienne traite le nom de domaine en tant que propriété incorporelle (v. Kremen v. Cohen, 337 F.3d 1024, 1030 (9th Cir. 2003)). Concernant la loi virginienne, le défendeur invoquait le fait que celle-ci définit un nom de domaine comme un droit contractuel. Pourtant, la cour d’appel interprète de façon différente la loi de cet Etat (et notamment l’arrêt Network Solutions, Inc. v. Umbro International, Inc., 529 S.E.2d 80 (Va. 2000)) comme définissant le nom de domaine en tant que propriété incorporelle à l’instar de la loi californienne. Dès lors, en l’absence de véritable différence de traitement des faits d’espèce par les lois en conflit, la cour d’appel décide d’appliquer la loi du for c’est-à-dire la loi californienne.
Une fois le conflit de lois résolu, la cour d’appel s’attacha à déterminer laquelle des deux parties disposait d’un droit supérieur sur le nom de domaine. En vertu de la loi californienne, la « conversion » est le fait pour un individu de se comporter en tant que propriétaire d’une chose alors même qu’il ne dispose d’aucun titre de propriété sur celle-ci. Si la « conversion » est démontrée le véritable propriétaire est en droit d’exiger la possession de la chose. Toutefois, la loi californienne reconnaît une exception dite de « l’acheteur innocent » qui échappe à la « conversion » s’il n’a eu connaissance (ou ne pouvait être considéré comme ayant eu connaissance) de l’acte frauduleux d’acquisition du bien par le vendeur auquel il a acheté ce bien. Sur ce point, la jurisprudence fait une distinction subtile entre l’acheteur ayant acquis le bien auprès d’un vendeur ayant commis un « vol » et l’acheteur ayant acquis le bien auprès d’un vendeur ayant commis une fraude (State Farm Mut. Auto. Ins. Co. v. Dep't of Motor Vehicles, 62 Cal. Rptr. 2d 178, 181 (Ct. App. 1997)). Seul le second peut éventuellement se prévaloir de la défense fondée sur la notion d’« acheteur innocent ». La cour d’appel souligne donc qu’en l’espèce la question est de savoir si l’individu qui avait ordonné le premier transfert du nom de domaine a commis une fraude ou bien un vol. Pour répondre à cette question, la cour d’appel décide au final de renvoyer l’affaire devant les juridictions du premier degré qui devront ordonner de plus amples recherches factuelles.
En définitive, la cour d’appel du 9e Circuit nous livre donc une analyse assez fine de faits plutôt complexes même si nous restons quelque peu sur notre faim… Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre la décision des juges du premier degré qui devront faire une analyse très subtile pour déterminer si le premier transfert du nom de domaine est un « vol » ou bien une simple « fraude »… Il semble que la clé pour mener une telle distinction soit la volonté du premier propriétaire en ce sens que si il n’a pas cédé volontairement le bien, le transfert de ce bien doit être considéré comme un vol alors que la fraude consiste, semble-t-il, en un transfert frauduleux ayant néanmoins été volontairement opéré par le propriétaire initial. En l’espèce, les faits semblent montrer qu’il s’agit d’un vol puisqu’à aucun moment, le propriétaire initial semble avoir volontairement transféré le nom de domaine. Il convient, toutefois, de rester prudent en l’absence d’éléments de faits plus précis.


CRS Recovery, Inc. v. Laxton, No. 08-17306 (9th Cir. April 6, 2010)




jeudi 8 avril 2010

Typosquatting: Microsoft sort l’artillerie lourde !

Microsoft a déposé, le mois dernier, une plainte devant la cour du District Ouest de l’Etat de Washington pour violation de l’« Anti-Cybersquatting Consumer Protection Act » (ACPA), contrefaçon de marque, atteinte à la marque renommée, publicité mensongère et concurrence déloyale. Le défendeur, un particulier répondant au nom de Alf Temme, propriétaire d’une société de vente de matériel sportif a, effet, eu la brillante idée de réserver des noms du domaine du type « ho0tmail.com », « hotma9l.com » ou encore « hotawil.com » pour rediriger les internautes saisissant l’adresse « www.hotmail.com » avec une faute de frappe vers le site de son entreprise. Ce type de comportement est un classique du genre. Pourtant, Alf Temme aurait confié à la presse son étonnement quant au dépôt d’une plainte par Microsoft. Premièrement, il considère que cet usage n’entraine absolument aucune confusion entre l’usage de la marque « HOTMAIL » pour désigner les services de Microsoft et l’usage des termes modifiés pour diriger vers son site de vente de matériel sportif. Deuxièmement, il se déclare choqué que Microsoft n’est pas en premier lieu tenté de le raisonner par une lettre de mise en demeure avant de recourir aux grands moyens…
Ce que semble oublier Alf Temme est que, d’une part, ses actes de typosquatting peuvent laisser croire à un consommateur d’attention moyenne que Microsoft sponsorise ou, à tout le moins, autorise ses activités. Par ailleurs, un représentant de la firme de logiciel aurait déclaré que si Microsoft n’envoie plus de lettre de mise en demeure c’est précisément pour éviter que les typosquatters ne revendent les noms de domaine à la sauvette pour échapper à toute poursuite et tirer toutefois un profit de ces enregistrements litigieux.
Quoi qu’il en soit, Alf Temme risque gros dans cette affaire puisque Microsoft demande des dommages et intérêts de 100.000 dollars par nom de domaine litigieux… sachant qu’Alf en a enregistré pas moins de 24 ! Ca laisse rêveur…


La plainte déposé par Microsoft (W.D. Wash. March 2010)




mercredi 7 avril 2010

Affaire « Gallup » : Réseaux numériques et extraterritorialité d’un droit de marque américain

Dans une récente affaire « Gallup, Inc. v. Bus. Research Bureau(Pvt.) Ltd », 2010 WL 545857 (N.D. Cal. 2010), la cour du District Nord de Californie fut confrontée à la question de la territorialité du droit de marque dans les réseaux numériques. Le droit de marque étant, en effet, par essence territorial c’est-à-dire limité à un territoire donné (où la marque est enregistrée ou utilisée), seul un usage non autorisé du signe sur ce territoire peut être constitutif d’une atteinte au droit de marque. Toute la question est alors de savoir à partir de quel moment un usage numérique d’une marque peut être considéré comme réalisé sur le territoire où la marque est protégée. Une façon quelque peu distincte d’étudier ce problème consiste à déterminer non pas si le principe de territorialité limite le droit de marque dans un cas d’espèce mais si le droit de marque peut être appliqué exceptionnellement de manière extraterritoriale. Bien que fondamentale, cette question est encore trop peu traité en jurisprudence. La présente affaire est donc l’occasion de revenir sur ce sujet sous l’angle du droit américain.
En l’espèce, il s’agissait d’une action en contrefaçon engagée par la société américaine Gallup, Inc., titulaire de la marque renommée « GALLUP » pour la désignation de services de recherche d’informations économiques et de sondages à l’encontre d’une société pakistanaise également spécialisée dans les sondages d’opinion utilisant la dénomination sociale « Gallup Pakistan » et maintenant un site internet à l’adresse « www.gallup.com.pk ». En 2008, Gallup Pakistan mena six sondages d’opinion sur les élections pakistanaises dont les conclusions principales furent reprises dans la presse américaine notamment le « New York Times » ou encore « Reuters » qui attribuèrent, de manière incorrecte, ces sondages à Gallup, Inc.. Cette dernière société intenta donc une action en contrefaçon de marque à l’encontre de la société pakistanaise en raison (i) de l’usage de la marque GALLUP sur un site internet rédigé en langue anglaise et (ii) l’usage de la marque GALLUP par la société pakistanaise dans ses résultats de sondages publiés dans la presse américaine.
La cour du District Nord de Californie était donc confrontée à la question de l’application du principe de territorialité de la marque. Plus exactement, la question était non pas de savoir si le principe de territorialité de la marque empêchait une action à l’égard de la société pakistanaise mais plutôt si le droit américain (et la protection de la marque américaine en découlant) pouvait être appliqué extraterritorialement aux activités dénoncées. Pour ce faire, il était nécessaire à la cour de suivre le test en trois étapes en vigueur dans son Etat : (1) les activités extraterritoriales ont-elles des effets sur le commerce extérieur américain ? (2) ces effets sont-ils suffisants pour entraîner un dommage substantiel au demandeur, ? (3) les intérêts du commerce extérieur américain sont-ils suffisamment important pour justifier l’application extraterritoriale du droit américain ?
Concernant la première partie du test, la cour conclut que l’effet des activités de la société demanderesse est au final peu important dans la mesure où il s’agit seulement d’un usage de la marque pour six sondages d’opinions. Concernant la seconde partie du test, la cour conclut qu’il est très peu probable qu’un effet si peu important de l’usage puisse entraîner un dommage substantiel au demandeur. Par là-même, la cour souligne une certaine redondance entre les deux premières parties du test. Enfin, s’agissant de la troisième partie du test, la cour conclut qu’il existe un risque imminent de conflit avec une législation étrangère dans la mesure où un contentieux existe déjà au Pakistan entre les deux parties sur la question de la titularité de la marque GALLUP.
En définitive, cette récente décision démontre que dans le cadre d’un usage numérique d’une marque américaine par une société étrangère, il est très peu probable qu’une cour reconnaisse l’application extraterritoriale du droit américain si les activités ont un impact limité sur le commerce américain et si les deux parties sont déjà engagées dans un contentieux à l’étranger. C’est donc une position relativement raisonnable qu’adoptent les juges américains sur cette question bien délicate… voire même très politique.


mardi 6 avril 2010

L’« Utah E-Commerce Integrity Act » : une loi spécialement dédiée au cybersquatting

Les titulaires de marques en rêvaient, l’Utah l’a fait… Il s’agit de la première législation étatique américaine ayant pour objectif de lutter contre le cybersquatting que les représentants de l’Utah viennent de voter. Elle s’appelle l’« Utah E-Commerce Integrity Act » (S.B. 26). Cette loi vient compléter l’Anticybersquatting Consumer Protection Act (ACPA), loi fédérale promulguée en 1999. L’Utah Technology Council (UTC) considérait en effet depuis longtemps cette législation fédérale peu efficace. Le sénateur Stephen H. Urquhart, qui est le principal instigateur de cette loi, a d’ailleurs souligné : « C’était d’une importance vitale que nous votions le E-Commerce Integrity Act. Il est important que nos entreprises puissent bénéficier d’actions ouvertes dans notre système judiciaire. Cette loi crée des sanctions à l’encontre des cybersquatters en vigueur dans l’Utah qui sont un peu plus lourdes que les seules sanctions proposées au niveau fédéral ».
Concrètement, en plus d’alourdir les sanctions à l’encontre des cybersquatters, cette loi permet également de poursuivre des tiers ayant aidé les cybersquatters dans la commission de leur délit. Ce texte s’attaque également au phishing et au pharming en permettant aux registrars et aux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès à un site frauduleux. Il est, néanmoins, permis de douter de la portée de cette loi seulement applicable dans l’Utah peuplé par un peu plus de 2 millions d’habitants c’est-à-dire presque deux fois moins que la région PACA…
Toutefois, le CADNA (ou Coalition Against Domain Name Abuse) s’est réjoui de l’entrée en vigueur de cette loi étatique qui pourra servir de modèle pour d’autres Etats américains. Le président de cet organisme, Josh Bourne, aurait en effet déclaré : « Cette loi crée les outils dont les titulaires de marques ont besoin pour protéger leurs consommateurs et leurs marques sur l’internet, mais seulement pour ce qui concerne l’Utah. Le Congrès américain doit maintenant prendre les devants pour permettre aux individus d’être mieux protégés contre les cybercriminels. L’ACPA s’était fixé cet objectif mais est maintenant dépassé et doit être révisé ». Comme à l’accoutumé, l’Utah est à la pointe du droit des nouvelles technologies même si bien souvent cette position lui fait commettre des bourdes très largement dénoncées


Utah E-Commerce Integrity Act, SB 26




lundi 5 avril 2010

Affaire « mamasandmunchkins.com » : pas de cybersquatting sans mauvaise foi caractérisée

L’affaire « mamasandmuchkins.com » opposait, d’une part, une société californienne appelée « Munchkin, Inc. » titulaire de la marque « MUNCHKIN » qu’elle exploitait pour la vente de produits destinés à l’enfance et du nom de domaine « munchkin.com » qui redirigeait vers son site principal, et d’autre part, une société de l’Illinois appelée « Mamas and Munchkins, LLC » qui enregistra, en novembre 2005, le nom de domaine litigieux « mamasandmuchkins.com » pour distribuer des produits destinés aux enfants en bas âge et aux femmes enceintes. Autant dire que cette seconde société marchait sur les plates-bandes de la première si bien que cette dernière engagea une action UDRP à son encontre en janvier dernier.
La majorité de la discussion menée par le panel se concentre sur l’exigence d’un enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine litigieux. Le panel souligne, à cet égard, une carence significative dans l’argumentation de la société demanderesse qui déduit la mauvaise foi de la simple utilisation d’un nom de domaine reproduisant une de ses marques protégées. Or, à l’inverse du droit américain des marques, une telle présomption n’est pas de mise dans le cadre de la présente procédure (v. Kellwood Company v. Onesies Corporation, WIPO Case No. D2008-1172) qui exige la démonstration claire que la société défenderesse connaissait les marques protégées et qu’elle avait l’intention de capitaliser sur la renommée de ces marques par l’enregistrement et l’usage du nom de domaine. En l’espèce, bien qu’il soit démontré que la société défenderesse connaissait les marques, la société demanderesse n’a, en revanche, pas réussi à démontrer une tentative d’exploitation du « goodwill » associé à ses marques par la défenderesse (v. Sophia’s Heritage Collection, Inc. v. Beverly Danusis, WIPO Case No. D2009-1752).
Au-delà de ces aspects peu originaux, l’intérêt de cette décision réside dans la reconnaissance par le panel de l’application des paragraphes 4(c)(i) et (ii) des Principes UDRP à l’espèce : « Si la commission considère les faits comme établis au vu de tous les éléments de preuve présentés, la preuve de vos droits sur le nom de domaine ou de votre intérêt légitime qui s’y attache aux fins du paragraphe 4(a)(ii) peut être constituée, en particulier, par l’un des circonstances ci-après : i) avant d’avoir eu connaissance du litige, vous avez utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet ; ii) vous (individu, entreprise ou autre organisation) êtes connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services ». Dès lors qu’en l’espèce, la société défenderesse utilisa le nom de domaine litigieux pendant 5 ans pour une activité tout à fait légitime et que cette société était connue de ses clients sous le nom de « Mamas & Munchkins », le safe harbor du paragraphe précité était applicable même si, comme le remarque le paneliste, il n’était pas nécessaire d’y avoir recours puisque la mauvaise foi n’était de toute façon pas démontrée. A cet égard, il convient, toutefois, de signaler une certaine redondance entre l’exigence de mauvaise foi et le paragraphe 4(c) dans la mesure où l’application de ce safe harbor suppose un enregistrement qui, par définition, n’est pas de mauvaise foi…
Enfin, la fin de la décision ne manque pas d’humour dans la mesure où bien que le paneliste reconnaisse que la société demanderesse « frôle » le « reverse domain name hijacking », qualification donnée aux procédures abusives en la matière, il souligne qu’il préfère ne pas retenir une telle qualification à l’égard de la société demanderesse dans l’espoir qu’elle laisse la défenderesse tranquille à l’avenir… Quand on sait qu’une telle qualification est pure lettre morte puisqu’aucune sanction n’y est associée, on se demande pourquoi le paneliste prit de telles précautions ? Décidément, il est bien difficile de trouver une décision où le fameux « reverse domain name hijacking » est caractérisée mais ne désespérons pas…


Munchkin, Inc. v. Whois Privacy Protection Service, Inc. and Mamas and Munchkins, LLC, Case No. D2010-0014




vendredi 2 avril 2010

Affaire « Tiffany » : eBay n’est ni responsable ni complice de contrefaçon de marque

La cour d’appel américaine du 2nd Circuit vient de rendre sa décision très attendue dans l’affaire « Tiffany (NJ) Inc. v. eBay, Inc. ». Les faits de l’espèce concernaient essentiellement la vente de contrefaçon des bijoux de la société Tiffany sur le site de vente aux enchères et la réservation de mots-clés par eBay afin de déclencher des publicités contextuelles pointant vers son site. En première instance, la cour du District Sud de l’Etat de New York avait conclu à l’absence de complicité d’eBay pour ce qui concerne l’existence de contrefaçon sur son site notamment en raison du fait que le site de vente aux enchères avait démontré des efforts constants de développements de technologies et de mesures de lutte contre la contrefaçon sur son site. Concernant les liens commerciaux, la cour de district avait considéré qu’il s’agissait d’un « usage nominatif » (nominative fair use) consistant à désigner les produits du titulaire (v. New Kids on the Block v. News Am. Publ’g, Inc., 971 F.2d 302 (9th Cir. 1992)). Partant, il ne pouvait être reproché de contrefaçon à l’encontre d’eBay.
En appel, la cour du 2nd Circuit confirme cette dernière affirmation : « eBay a fait un usage de la marque pour décrire de façon exacte les véritables produits Tiffany offerts à la vente sur son site. […] [En outre,] [i]mposer une responsabilité en raison du fait qu’eBay ne peut garantir la régularité de tous les produits Tiffany offerts sur son site aurait pour conséquence de restreindre de les ventes légales de produits Tiffany ». L’usage des marques de la société demanderesse à titre de mot-clé afin de déclencher des liens publicitaires vers son site est donc un usage nominatif excluant sa responsabilité au titre de la contrefaçon de marque. En d’autres termes, il est légitime qu’eBay utilise des marques protégées afin de faire de la publicité pour les produits régulièrement frappés de celles-ci vendus sur son site et l’existence de certaines ventes contrefaisantes ne saurait à elle seule remettre en question la licéité de cette pratique.
Concernant la complicité des contrefaçons réalisées sur son site (contributory infringement), la cour d’appel rappelle en premier lieu le test applicable : il y a complicité de contrefaçon « si un producteur ou un distributeur induit intentionnellement un autre à contrefaire une marque, ou si il continue de fournir les produits de quelqu’un dont il sait ou devrait savoir qu’il commet une contrefaçon de marque » (v. Inwood Laboratories, Inc. v. Ives Laboratories, Inc., 456 U.S. 844 (1982)). La question en appel était de savoir plus précisément si la « connaissance générale » (general knowledge) de eBay quant à l’existence de contrefaçon sur son site était équivalente à l’expression utilisée dans Inwood, « dont il sait ou devrait savoir » et donc si cette connaissance générale était suffisante pour caractériser la complicité de contrefaçon. La cour d’appel se rattache finalement à l’opinion de la cour de district en affirmant que « [p]our engager la responsabilité sur le fondement de la complicité de contrefaçon de marque, un fournisseur de service doit détenir plus qu’une connaissance générale […] que ses services sont utilisés pour vendre des produits contrefaisants ».
En définitive, la cour d’appel blanchit donc le site de vente aux enchères en ce qui concerne la contrefaçon de marque en raison de liens commerciaux et la complicité de contrefaçon pour ce qui concerne les produits vendus sur son site. Néanmoins, concernant la publicité mensongère, la cour d’appel adopte une position différente de la cour de district et renvoie donc l’affaire devant les juges du premier degré sur ce point. Plusieurs enseignements doivent être tirés de cette affaire. Premièrement, la jurisprudence américaine semble être de plus en plus favorable aux fournisseurs de services sur internet qui font preuve d’initiatives pour lutter contre les usages illicites de leur service (la cour insiste sur les efforts entrepris par eBay pour la lutte contre la contrefaçon de marque). Deuxièmement, il semble que la procédure de « notice and take-down » reconnue légalement en matière de droit d’auteur s’applique également en matière de contrefaçon de marque. Enfin, il semble que la jurisprudence américaine soit de plus en plus encline à refuser de caractériser une contrefaçon de marque par la réservation de marques à titre de mots-clés pour déclencher des liens commerciaux. A cet égard, cette affaire a pour originalité d’appliquer la notion d’« usage nominatif » dans le cadre de la publicité contextuelle. Une brèche dans laquelle risquent de s’engouffrer les annonceurs de publicités contextuelles est-elle ouverte ?


Tiffany (NJ) Inc. v. eBay, Inc., No. 08-3947-cv (2d Cir. April 1, 2010)




jeudi 1 avril 2010

Liens commerciaux : rigueur et paradoxes se côtoient dans la décision « eBay »

Voici l'article que je viens de publier sur le site du Centre d'Etudes Juridiques et Economiques du Multimédia (CEJEM), mon centre de recherche. Il s'agit d'un commentaire de la décision rendue par le TGI de Paris le 11 février dernier dans l'affaire "Louis Vuitton Malletier c/ eBay". Vous pouvez télécharger la décision ici et lire ce commentaire directement sur le site du CEJEM ici.


Liens commerciaux : rigueur et paradoxes se côtoient dans la décision « eBay »