vendredi 28 mai 2010

Affaire « Crédit Mutuel » : un typosquatting flagrant

Le professeur Jérôme Huet, fondateur et directeur du Centre d’Etudes Juridiques et Economiques du Multimédia (CEJEM), vient de rendre une décision technique en tant qu’expert auprès de l’OMPI dans une affaire Confédération Nationale du Crédit Mutuel c/ Adrienne Bonnet, Litige n° DFR2010-0008 (WIPO May 10th, 2010). Il s’agissait en l’espèce d’une particulière dénommée Adrienne Bonnet qui avait enregistré le nom de domaine « reditmutuel.fr » le 1er décembre 2009 en fournissant une adresse postale incorrecte. N’ayant pas réussi à la joindre suite à diverses mises en demeure successives, le Crédit Mutuel engagea donc, devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, une Procédure Alternative de Règlement des Litiges (PARL) à laquelle est applicable le Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” entré en vigueur le 22 juillet 2008. A noter que la défenderesse ne se rendit pas devant l’expert et ne présenta donc malheureusement aucun argument en défense. Suivant l’article 20 (c) du Règlement précité, il convenait en l’espèce de vérifier que (i) le requérant justifie de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et (ii) que l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence.
Concernant la première condition, l’expert conclut naturellement à la justification de droits par le Requérant sur l’élément objet de l’atteinte puisque celui-ci est titulaire de la marque renommée « CREDIT MUTEL » et titulaire de divers noms de domaine dérivés de cette marque parmi lesquels « creditmutuel.fr ». Concernant la seconde condition, l’expert souligne que « La simple adjonction de l’extension nationale <.fr> est liée à des considérations techniques et n’a pas a être prise en considération lors de l’appréciation de l’identité ou de la similitude du nom de domaine avec la marque antérieure renommée CREDIT MUTUEL » (v. en ce sens, Baccarat S.A v. Jacques Touroute, Litige OMPI No. DFR2008-0001). En outre, la seule différence entre le nom de domaine litigieux et la marque protégées consistant en la suppression de la seule lettre « c », le risque de confusion demeure puisque cet enregistrement s’apparente à du typosquatting (v. Crédit Industriel et Commercial, Conféderation Nationale du Crédit Mutuel v. Owen WEBSTER, WIPO Case No. D2006-0165). La mauvaise foi, qui semble lourdement présumée dans cette décision, est également suffisamment démontrée par la fourniture de coordonnées erronées au sein du WHOIS par la défenderesse. Enfin, concernant l’utilisation du nom de domaine, l’expert s’appuie sur le fait que celui-ci redirige vers un site parking, c’est-à-dire une page sur laquelle ne se trouvent que des publicités. Cette utilisation a donc pour « objectif un gain construit sur la marque renommée d’autrui et représente indéniablement un acte de concurrence déloyale et de parasitisme au détriment du Requérant ». Cet élément vient donc confirmer l’existence d’un acte frauduleux (v. également en ce sens, Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige OMPI No. DFR2004-0005 ; Confederation Nationale du Crédit Mutuel contre Ambroise Breleur, Litige OMPI No. DFR2009-0001 ; Banque Laydernier et Crédit du Nord contre Jeremie Guyot, Litige OMPI No. DFR2008-0027). Dès lors, l’expert ordonne le transfert du nom de domaine « reditmutuel.fr » au Requérant.
En définitive, voici une affaire bien réglée qui témoigne une fois de plus de l’essor du typosquatting et des sites parkings qui y sont généralement associés. Un autre fait intéressant de cette affaire est le cas de plus en plus fréquent de la fourniture d’une fausse adresse au WHOIS. Néanmoins, n’aurait-il pas été possible au Requérant d’obtenir de telles informations auprès de la régie publicitaire par laquelle la défenderesse obtenait des rémunérations fondée sur son comportement frauduleux ? Cette piste est sans doute à explorer…


Confédération Nationale du Crédit Mutuel c/ Adrienne Bonnet, Litige n° DFR2010-0008 (WIPO May 10th, 2010)





1 commentaire:

conseil juridique a dit…

Au lieu de porter leurs contestations devant les tribunaux, il arrive fréquemment que les particuliers s'adressent à d'autres personnes en vue d'arbitrer un différend.

L'institution de l'arbitrage est de tous les temps. Il est permis de penser qu'elle a, dans l'histoire, précédé l'époque où la justice a été prise en charge et organisée par l'État. La justice romaine de l'époque archaïque, et même de l'époque classique, présente bien des traits qui évoquent son origine arbitrale.

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